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Cinéma : les films qui sortent à Lyon le mercredi 13 avril 2022
Par Vincent Raymond
Publié Mardi 12 avril 2022

Photo : © Wild Bunch
À voir
★★★☆☆ Vortex
Un couple de personnes âgées dans son appartement parisien, dont le morne train-train est rythmé par les absences et les fugues de madame qui perd la boule, pendant que monsieur essaie de travailler. Parfois, leur fils un peu toxico vient leur taper du fric. Et puis un jour, le drame…
Imaginez Amour de Haneke en version trash où rien ne se passerait comme prévu — ou plutôt où tout se déroulerait en pire. À la froideur clinique et élégante d’un cadre bourgeois aseptisé et aux plans fixes, sages, maîtrisés du cinéaste autrichien, Gaspar Noé oppose le désordre organique, la frontalité de la vieillesse, l’image tremblée et le dispositif (déjà mis en œuvre dans Lux Æterna) du split screen permettant de suivre simultanément des chaos synchrones. Totalement conforme au mantra cardinal et programmatique de Noé (« le temps détruit tout »), Vortex ne rivalise certes pas avec ses grands poèmes esthétiques, et plus qu’une démonstration de virtuosité écarlate, ce film tient du cénotaphe. Allusif en diable par la présence symbolique de ses interprètes-monde (Françoise Lebrun convoque Jean Eustache, Dario Argento tout le giallo), Vortex est une expérience paradoxale visant à effacer la mémoire et tuer à l’écran ses icônes pour empêcher qu’on les oublie et leur garantir l’immortalité. Tortueux, dérangeant, fascinant. Noesque.
Un film de Gaspar Noé (Fr, 2h22) avec Françoise Lebrun, Dario Argento, Alex Lutz…
★★★☆☆ À l’ombre des filles
Chanteur lyrique traversant une crise personnelle, Luc a accepté d’animer un atelier dans un centre pénitentiaire pour détenues. Face à des participantes aux vies fracturées et à fleur de peau, lesté de ses propres blessures, il tente de construire une forme d’harmonie collective…
Excellente surprise que ce deuxième long-métrage d’Étienne Comar (après le biopic Django) qui pourtant possède cette ineffable fragilité et cette grâce propre aux premiers films, où l’on suspecte derrière chaque personnage l’ombre de l’auteur ; derrière chaque mot dit un de ses secrets les plus intimes. Sur un sujet casse-gueule (voir le pataud Un triomphe), le cinéaste compose un chœur de dissonances humaines qui jamais ne détonne. Mieux : si chaque personnage ou voix représente une forme de souffrance, donnant au groupe des allures d’échantillon représentatif de la société, jamais les évolutions de l’histoire ne s’avèrent prévisibles, la chimie de l’instant semblant diriger le concert. La présence au scénario de l’autrice incontournable ces derniers mois Marcia Romano y est-elle pour quelque chose ? À l’ombre des filles bénéficie d’une autre valeur ajoutée : une distribution resserrée mais confiée à des interprètes d’une hallucinante complémentarité (Veerle Baetens, Agnès Jaoui, Marie Berto ou Hafsia Herzi pour ne citer qu’elles) face à un Alex Lutz comme habité par le vide — ce qu’exige son rôle.
Un film de Étienne Comar (Fr-Bel, 1h46) avec Alex Lutz, Agnès Jaoui, Hafsia Herzi…
★★★☆☆ Allons enfants
À Paris, le prestigieux lycée Turgot a mis en place une section hip-hop qui recrute des élèves de tous horizons avec pour obligation de suivre un cursus normal : la danse est ici un plus autant qu’un facteur de promotion sociale. Une année aux côtés des élèves de différents niveaux…
Après leur escapade un poil en dedans auprès des pèlerins de Lourdes, le duo Demaizière-Teurlai retrouve son pep’s et cette acuité ayant transcendé Relève, lequel — est-ce un hasard ? — suivait déjà un processus chorégraphique de A à Z. Ici, l’année scolaire permet de mesurer l’évolution globale (c’est-à-dire au-delà de l’artistique) des lycéens et de vérifier si le pari de l’insertion fonctionne pour ceux issus de milieux plus modestes. Si Allons enfants réussit son coup, c’est parce qu’il enregistre les échecs et les doutes de ceux qui craquent et envisagent d’abandonner, ou qui dévoilent un parcours personnel cahoteux. Loin d’être un conte de fées à la sauce Broadway du 3e arrondissement de Paris ou un Fame français, ce documentaire cible des profils édifiants — qu’il s’agisse de profs, du proviseur ou d’élèves. On en apprend ainsi parfois davantage lors des moments d’explications, de malaise ou de défaite que quand tout est idyllique. Tonifiant.
Un documentaire de Thierry Demaizière & Alban Teurlai (Fr, 1h54)
On s'en contente
★★☆☆☆ Sous l'aile des anges
Une famille de pionniers pauvres dans l’Indiana du début du XIXe siècle. Après la mort de la mère, le père épouse une nouvelle femme qui voit dans le fils, jusqu’alors délaissé, de grandes capacités. Insistant pour qu’il aille à l’école, elle sera décisive dans le destin du futur… Abraham Lincoln.
Cas de conscience majuscule : on crierait au génie poétique et à la pure beauté si ce film surgissait ex nihilo. Las ! Pour fascinant et maîtrisé qu’il soit, Sous l’aile des anges souffre d’un défaut d’originalité handicapant : il apparaît totalement inféodé à l’esthétique comme à l’écriture de Terrence Malick, dans une histoire semblant fusionner des axes forts empruntés à Le Nouveau Monde (les États-Unis des premiers temps) et Tree of Life (le père austère). Mêmes longs plans rasants au steady-cam sur de hautes herbes, même contemplation de la nature, du soleil rasant au crépuscule ; mêmes jump-cuts bercés par une voix off légèrement divergée… Mais rien d’étonnant à cela de la part d’un réalisateur ancien monteur de Malick, bénéficiant de surcroît, ici, des bons offices de ce dernier en tant que co-producteur. Une contamination indirecte qui donne un film d’élève appliqué mais totalement sous emprise. Et totalement à l’opposé de l’histoire d’émancipation racontée.
Un film de A.J. Edwards (É-U, 1h34) avec Diane Kruger, Jason Clarke, Brit Marling…
★★☆☆☆ Le Dernier Piano
La guerre en Syrie fait rage. Dans une ville contrôlée par l’État islamique, Karim a pu préserver son piano dans un cave, répétant pour une audition à Vienne. Les soldats ayant fini par le détériorer, Karim part en quête de pièces dans une autre ville assiégée. Une quasi mission suicide.
D’une facture on ne peut plus classique (voilà qui tombe à merveille pour un piano), ce premier long-métrage de fiction témoigne de la maîtrise technique et artistique du Libanais Jimmy Keyrouz : la dimension mi-épique, mi-poétique inspirée d’une histoire vraie, son image ultra-travaillée (avec ses clairs-obscurs mordorés) ; son choix de confier la partition au compositeur oscarisé Gabriel Yared rappellent les productions internationales à la David Lean. Revers de la médaille : ce cinéma formaté est vitrifié dans une époque datant de plus d’un demi-siècle, le contrefaire aujourd’hui sans y apporter une touche de décalage ni de relecture personnelle, c’est risquer d’en reproduire les lourdeurs en bon moine copiste, trop respectueux de la sainte parole.
Un film de Jimmy Keyrouz (Lib, 1h50) avec Tarek Yaacoub, Rola Baksmati, Mounir Maasri…
★★☆☆☆ La Revanche des Crevettes Pailletées
En transit pour 24h en Russie sur le chemin des Gay Games au Japon, une partie de l’équipe des Crevettes Pailletées se fait remarquer par les autorités locales et envoyer dans une sorte de goulag pratiquant des “thérapies de conversion“. Les Crevettes encore libres vont agir !
Davantage qu’une revanche, ce film tient de la prolongation ou de la variation autour du groupe de fiction inspiré de l’authentique équipe de water-polo. Pour éviter la redite sans doute, cet épisode fait quasiment l’impasse sur les séquences nautiques, les chorégraphies et chansons pour se focaliser sur les tribulations des héros. Si les problématiques sociétales sont abordées à 360° (discriminations en tous genres et dans tous les milieux, transidentité, homoconjugalité, homoparentalité…), ce qui faisait la singularité “aquatique“ du premier opus s’efface doucement au profit d’une “comédie d’aventures queer” plutôt convenue. Mais le grand public aurait-il été prêt à la voir sans connaître l’épisode d’avant ?
Ironie sordide de l’actualité : tournant en dérision l’homophobie systémique de la Russie poutinienne, ce film a été tourné dans un pays aux mœurs plus libérales, l’Ukraine ; il est à craindre qu’il ne subsiste pas grand chose de ses décors — pour ne pas dire de ses figurants.
Un film de Cédric Le Gallo & Maxime Govare (Fr, 1h53) avec Nicolas Gob, Alban Lenoir, Bilal El Atreby…
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