Théâtre / Trois jeunes acteurs et actrices prêtent leurs corps aux voix de résidents d'Ehpad, "Home" en Belgique, qui donne le nom à ce spectacle extrêmement troublant tout en lenteur et minutie imaginé par la bruxelloise Magrit Coulon.
Traverser le plateau dans sa diagonale pour atteindre un fauteuil avec son déambulateur. Voilà de quoi est fait Home : de gestes anodins qui confinent à la grande aventure. Dans un espace aseptisé délimité par de grands voiles blancs qui laissent deviner des baies vitrées, des personnages âgés se côtoient sous le cadencement bruyant des secondes d'une horloge, seules témoins que le temps passe ici comme ailleurs. Ça ne saute pas aux yeux tant les gestes sont lents dans cette salle commune, de repos comme de repas.
Toute jeune diplômée de l'INSAS, Institut supérieur des Arts de Bruxelles, Magrit Coulon, 26 ans, a entamé un travail de recherche documentaire dans un "home" belge dont elle a rapporté des fragments sonores de discussions avec les résidents dont on entend la voix enregistrée. Leurs corps, leurs mouvements sont pris en charge par un comédien et deux comédiennes pas même trentenaires. Ça pourrait être irrévérencieux. Ça ne l'est pas du fait d'une extrême précision des gestes et d'un refus d'enjoliver ce moment de vie — ils ont des bavoirs sur lesquels il reste des traces de confiture... Ce respect-là explique probablement l'absence de rires des spectateurs pendant la première demi-heure de cette heure et quinze minutes.
Troisième âge
C'est d'ailleurs le silence qui règne un long moment au début. Tout se joue dans la façon dont l'une des comédiennes meut ses doigts, dont le dos d'un autre est courbé. Le corps lutte entre affaissement et droiture. Les soignants sont évoqués parfois mais pas présents. Ce qui compte pour cette jeune compagnie Wozu est précisément d'observer les petits accommodements de ces résidents avec leur âge.
Comment, fugacement, un souvenir peut surgir, comment une rivalité peut émerger entre deux cohabitants, une nouvelle et une ancienne. Les activités annexes sont à peine évoquées (la toilette, le kiné, la réunion préparatoire à l'Évangile). Glaçant, touchant, désarmant, Home est un exercice de haute volée où le langage est usurpé. Personne, dans ce lieu, ne se sent chez lui. Ils « n'habitent » pas là mais y sont de passage.
Home
Au théâtre de la Croix-Rousse du 3 au 5 avril