Les filles aux commandes

Rembobiner

Voilà que le collectif Marthe revient à plus de simplicité avec Rembobiner et c’est heureux. Cette troupe de filles formées à l’École de la Comédie de Saint-Étienne avait fait une entrée remarquée sur les plateaux de théâtre via Le Monde renversé en déjouant le mythe diabolique des sorcières. Leur deuxième opus, Tiens ta garde, sur le self-défense était beaucoup plus boursouflé, assénait son sujet sans véritable nuance et recevait une standing ovation du public adolescent. Alors c’est une bonne nouvelle que d’avoir vu débarquer à la fin de saison dernière cette heure de spectacle assez pédago (et après tout pourquoi pas ?) sur la vie et l’œuvre de Carole Roussopoulos. Avec quelques tréteaux, des perruques, des bouts de textes exposés comme les slogans des manifs – elles font émerger les luttes féministes des années 70 en France. Delphine Seyrig passe par là, Hélène Hazera et le FHAR aussi, mais surtout cette réalisatrice documentariste qui a notamment filmé le combat des femmes de LIP – l’intime et le politique solidement imbriqués.

Rembobiner
Au Théâtre de la Croix-Rousse du 6 au 10 novembre

Marguerite

Johanna et Éric sont jeunes parents. Une de leur première soirées avec un couple ami (rabiboché) pourrait être mièvre. Ça ne ferait pas un spectacle. Jeanne Garraud le sait. D’abord chanteuse et pianiste, elle est aussi photographe, autrice et metteuse en scène et avait déjà signé un très délicat On entend les oiseaux lorsqu’on les écoute. Pas de solo mais un quatuor pour poursuivre cette attention à l’autre, aux non-dits, aux diktats imposés aux femmes (tu enfanteras et ce sera le bonheur), à la difficulté des hommes de trouver leur place dans ce schéma à 3. Enième article de Causette ? Non ! L’écriture nerveuse est une formidable matière de jeu pour ces comédiens chevronnés (Thomas Rortais, Savannah Rol, Lucile Marianne et Arthur Vanderpoel) et l’espace scénique est utilisé comme une focale sur une chambre imaginaire ; le salon est réceptacle des conflits. Jamais manichéen et encore moins moraliste, cette création née sous Covid et passée par les Clochards Célestes est aussi une comédie, grinçante, mais une vraie comédie.

Marguerite, l’enchantement,
Aux Célestins du 8 au 18 novembre

1983

À 36 ans, Margaux Eskenazi commence à dessiner un solide sillon dans le théâtre français. Cette chercheuse passée par la section mise en scène du Conservatoire National de Paris et des études théâtrales à Paris-Sorbonne livre le troisième volet de son triptyque Écrire en pays dominé. Il y a eu Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre en 2017, sur la négritude après qu’elle ait été percutée par les écrits d’Edouard Glissant, puis Et le cœur fume encore, traversée de la guerre d’Algérie dans la France d’aujourd’hui. Voici donc 1983. Très ancrée dans son territoire de Seine-Saint-Denis, elle a voulu que cette nouvelle création qui nait à Villeurbanne soit complètement reliée et immergée dans nos contrées. Ce sera donc ce qui a été mal nommé la Marche des Beurs de 1983 passée par Vénissieux et les Minguettes. Ce qui est le point de départ de ce travail ne recouvre pas totalement le sujet qui embrasse aussi cette année de bascule de la mitterrandie vers le libéralisme et de l’émergence du FN qui conquiert sa première mairie. Via une radio pirate, et de très nombreux protagonistes, dans des espaces éclatés sur plateau, c’est un travail à la fois fictionnel, documentaire et poétique qui se déploiera.

1983
Au TNP du 9 au 20 novembre