L'éternelle Emmanuelle Parrenin au festival Plug & Play du Kraspek Myzik

Folk / Activiste férue d'instruments traditionnels, Emmanuelle Parrenin fut une figure fugace mais influente du folk des années 70, revenue aux affaires discographiques sur le tard après avoir longtemps vécue d'une autre conception de la musique. La septuagénaire, devenue culte, se produira au festival Plug & Play. 

C'est une petit légende qui vient se produire au Plug & Play du Kraspek Myzik, dans le cadre de la carte blanche à Carton Records. Une légende confidentielle, qui n'a jamais rien fait pour se diffuser, n'a jamais cherché la lumière et l'aurait même plutôt fuie au rythme d'une carrière en pointillés passée essentiellement sous les radars. Cela n'empêche pas une jeune génération de musiciens gourmets de la célébrer, de l'inviter, de la solliciter : d'Étienne Jaumet à Detler Weinrich en passant par le Lyonnais Arandel, l'électronicien baroque étant un fin connaisseur de la vieille école française folk. Car c'est à cette dernière qu'appartient en premier lieu Emmanuelle Parrenin.

Née en 1949, elle est la fille de Jacques Parrenin, fondateur du Quatuor Parrenin (un temps quatuor résident de Radio Luxembourg), qu'elle ne voit guère que sur scène, mais dont l'immersion constante de son projet dans l'appartement familial (qui a appartenu à Ravel) infuse Emmanuelle. À ceci près qu'elle ira à contre-sens complet du paternel, rejetant l'académisme pour une certaine idée de la bohème.

En 1968, à même pas vingt ans, elle dessine des slips pour La Redoute et traîne avec les beatniks du Quartier Latin. À force de fréquenter le milieu du revival folk des 1970's, elle finit par acheter une vielle à roue à un... boucher (elle jouera également de l'épinette des Vosges et du dulcimer). S'envolant pour le Québec, elle s'adonne au collectage de chansons traditionnelles, revenu très à la mode dans le milieu. Elle y rencontre notamment une fascinante famille dont les vingt enfants forment un orchestre. Détail d'importance : dix-huit d'entre eux sont sourds-muets et travaillent à la vibration — une découverte qui aura une résonance bien plus tard pour la néo-musicienne.

Enregistrant La Maumariée avec son bref mari, Phil Fromont, dont elle a un fils, elle sera ensuite des premiers soubresauts du groupe Mélusine, dont elle est une sorte de Pete Best, en claquant la porte pile au moment où le groupe commence à marcher, foudroyée un soir sur scène par une épiphanie sur le mode « qu'est-ce que je fous là ? ».

Disques maison

En 1977, en pleine explosion punk, elle enregistre avec Bruno Menny, son amoureux d'alors, son premier album solo, Maison Rose, au studio Frémontel où se croisent la fine fleur du folk à l'ancienne et les baronnies de la variété française. Le mélange de folk d'inspiration traditionnel (le très beau Thibault et l'arbre d'or) et expérimentation avant-gardiste (le quasi trip-hop de Topaze), qui compte un titre, Plume noire, plume blanche, écrit par Jean-Claude Vannier, deviendra culte.

Entre-temps Emmanuelle Parrenin s'éclipse. Pendant des décennies. Un temps, elle se consacre à la danse, exerce mille autre métiers avant le tournant des années 1990. Victime d'un accident, elle devient sourde mais retrouve paradoxalement l'ouïe en jouant de la harpe. Nouvelle épiphanie, elle se lance dans l'art-thérapie et travaille notamment avec des autistes. Ce n'est qu'au début des années 2010 qu'elle reprend sa véritable carrière musicale en s'acoquinant notamment avec Les Disques Bien. Elle publie alors la suite de Maison Rose, Maison Cube. Puis Pérélandra (2017), un ensemble de titres inédits des années 1980, et Jours de grève avec Detlef Weinrich, travaille avec Étienne Jaumet et se voit invitée sur l'album et certains des concerts d'Arandel pour InBach.

Au printemps 2020, elle vit une expérience de confinement pas banale, coincée dans le désert marocain avec des Touaregs (elle devait participer au festival Nomade quand le monde s'est soudainement arrêté). Elle en tire l'album Targala, la maison qui n'en est pas une, tournant toujours autour de son obsession pour la bâtisse, plus intérieure qu'architecturale, et se réinventant dans une veine jazz-world palpitante. Car plus qu'une folkeuse (psychédélique, précise-t-elle), à la réputation portée par sa participation à la genèse de Mélusine, Emmanuelle Parrenin est, à bientôt 74 ans, un électron toujours aussi insaisissable. S'ébattant aux portes du free-jazz, des expérimentations électro et de la sono mondiale. Une figure libre qui n'aura toujours fonctionné qu'à l'envie et à l'instinct. S'inventant une modernité absolue au moyen d'instruments venus du fond des âges.

Carton Records présente Emmanuelle Parrenin & Tatiana Paris
Au Kraspek Myzik le samedi 28 janvier


Le reste de la programmation du festival Plug & Play

Après deux soirées le week-end dernier pour amorcer le festival, Plug & Play reprend du service ce mercredi 18 janvier et ce jusqu'au 3 février (avec relâche en débuts de semaines). Toujours au soutien des musiques alternatives et indépendantes, le festival de la petite salle haut-perchée sur les Pentes met à l'honneur les labels artisanaux. En proposant notamment des cartes blanches à Carton Records et Dur et Doux.

Pour le reste, tous les genres sont de la partie : techno punk (Epilexique, Love the Machine Baby), punk (The Despentes), rap garage buccal (David Bleu), folk (Emmanuelle Parrenin et Tatiana Paris, Clémentine Dubost pour une release party, Wooden Beaver), country (Kid Victrola), pop (Melnelson mais en duo et Wendy Martinez), rock (Barn Hooker).

Un programme comme toujours bien copieux qui se refermera au Marché Gare, hors-les-murs, avec Imparfait, Prisca Kalengay, et les lauréates du tremplin Elles Chantent, Gazzel.

Plug & Play
Au Kraspek Myzik jusqu'au 3 février

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