Tom : « Lolla Wesh est une sorte de bête qui sommeille en moi depuis toujours »

Lolla Wesh

Espace Gerson

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Stand-up / Lolla Wesh, personnage créé par Tom de Montmartre, c'est la tatie cool et cynique qui nous parle, clope au bec, de sexualité tout en se moquant tendrement des hétéros et du patriarcat. Stand-up Drag se jouera à l'Espace Gerson les 10 et 11 février. Rencontre avec son créateur.

Vous dites avoir longtemps rejeté le stand-up. Vous vous saisissez maintenant de ses codes pour vous moquer des hétéros, par exemple. Expliquez-nous.
Tom :
Les premières scènes que j’ai faites en tant que Lolla, j’étais seulement maitresse de cérémonie pour du burlesque. Puis une amie m’a invité au Paname pour voir un plateau. J’y suis allé, j’avais des sueurs. Tu aurais vu la gueule de la parité… une femme seulement sur le plateau. Et des blagues où l’on prend quelqu’un à partie pour se moquer de son physique, ça me renvoie au harcèlement scolaire, je ne trouvais pas ça drôle. Des blagues sur les gros, sur les homosexuels, des blagues racistes… et les gens qui se marrent. Lolla Wesh était à l’aise, mais moi, en tant qu’individu, j’étais mal à l’aise, car je fais partie des populations minorisées. Ensuite des plateaux queer, safe, féministe, se sont mis en place, alors je ne me suis pas démonté. Des drag queens qui font du stand-up ça n’existait pas, alors j’ai commencé à écrire.

La Lolla Wesh du début était plus en colère… a-t-elle fait la paix avec certains démons ?
Elle était beaucoup plus agressive. Un moment, j’ai eu un humour trop piquant, trop politique… à tel point que j’ai été shadow ban (censuré) sur Instagram. Mais je me suis rendu compte que ça ne sert à rien d’être dans l’agressivité, car les gens n’écoutent plus. Maintenant je joue la carte de la tatie cool, un peu gênante, qui a des choses à nous raconter. Je ne suis plus en colère, et les gens écoutent.

Lolla Wesh servait à sortir cette colère

Est-ce parce que Lolla Wesh est devenue peu à peu un personnage autobiographique ?
La première version n’avait rien d’autobiographique, c’était un personnage complètement fictif. Mais à force de le faire, je me suis rendu compte que ma vie perso a toujours eu une influence sur mon travail. La version de maintenant, toute l’histoire, c’est mon histoire, mon parcours d’homosexuel de l’enfance à l’âge adulte. C’est important que les gens sachent à quel point mon personnage m’est salvateur en tant que LGBT dans la société, et pourquoi il a tellement été ma catharsis qu’il y a pu avoir des débordements. C’est important aussi de parler de sa vie perso pour comprendre l’évolution de Lolla Wesh. De 2016 à maintenant, j’ai traversé des épreuves très difficiles, j’ai sombré dans la dépression à cause d’un homme dangereux pour moi. Ça se ressentait sur Lolla Wesh. Mes blagues étaient plutôt des prétextes à reprocher plein de choses à la Terre entière. Parallèlement, j’étais salarié dans l’association AIDES, un milieu où l'on questionne toujours la société, où l’on est face aux injustices en permanence. Ça ne faisait qu’animer ma colère. Lolla Wesh servait à sortir cette colère. Maintenant c’est comme une renaissance. C’est pour cela qu’il faut parler de nos parcours de vie. Lolla Wesh est une sorte de bête qui sommeille en moi depuis toujours.

Le spectacle semble prendre un tournant pédagogique, avec une approche parfois quasi de sexologue. Comment l’appréhendez-vous ?
Lolla Wesh était une blague d’after, une private joke dans le milieu du burlesque où je parodiais mon amie Lolly Wish. La volonté d’une Lolla Wesh pédagogue est arrivée au fur et à mesure, quand certains ont commencé à s’en emparer. À AIDES, il y a l’accompagnement médical, et le côté communautaire, un échange entre pairs. Il y avait presque une posture sexologue à apprendre aux gens à ne pas avoir honte de vouloir prendre soin de leur santé sexuelle. Et ça s’est retranscrit à travers le personnage de Lolla. Lolla c’est un peu le démon de mes traumatismes.

Le spectacle est annoncé "à partir de 16 ans".
Oui, car la tatie gênante parle quand même de choses bien crues. Au début du spectacle, je fais un trigger warning (mise en garde) aux hétéros. « Là, vous êtes en minorité, donc vous allez voir ce que c’est de se sentir oppressé par une blague. » Mais avec tendresse ! À terme, j’aimerais écrire un spectacle tout public, pour toucher davantage les jeunes. J’aurais aimé, petit, avoir un clown comme Lolla qui vulgarise les questions de genre, etc.

Je fais du drag clown

Justement. Au-delà de la performance du genre qu’est le drag, vous en proposez une approche clownesque.
Maintenant, je dis que je fais du drag clown, du drag queer. Mais ça n’a pas toujours été ça. Quand Lolla Wesh est née en 2014, il n’y avait pas autant de drag, et ce n’était pas celui que l’on connait aujourd’hui. J’avais tellement d’admiration pour les drag queen, avec cette idée de make-up qui dure cinq heures, de costumes qui coûtent cher, que je me disais qu’elles pourraient mal le prendre si j’utilisais cette appellation. Puis, au fur et à mesure, j’ai rencontré des drags qui animaient des bingos, qui faisaient du karaoké… je me suis reconnue là-dedans. L’une m’a dit un jour : « vu tout ce que tu fais politiquement, si tu penses ne pas en être une, tu nies l’histoire du mouvement des années 1970, des meufs à la rue qui récupéraient des fringues dans des poubelles parfois » À partir de là, j’ai eu une volonté de transmission d’héritage et je me suis définie comme drag queer, car j’ai la barbe, puis drag clown.

Drag clown, une formule qui semble aussi plus" grand public" ? Qui participe à la représentativité de cette scène-là dans des salles a priori non étiquetées LGBT+.
Exactement. Le terme queer est un peu parapluie, mais peut nous enfermer. On se retrouve à jouer dans des endroits où l’on prêche des convaincus, ce qui est cool car on peut se permettre plus de libertés, ce sont des espaces safe. Mais moi, c’est dans des endroits tout public que je veux parler. Les gens ont besoin de temps pour apprendre les choses, pour savoir faire la différence par exemple entre une drag queen et une personne trans. Je ne vais pas brandir le drapeau transphobe tout de suite. Lolla sert à ça.

Comme un spectacle de conférencière

La scénographie du spectacle s’est épurée depuis ses débuts, pourquoi ?
Comme je n’avais pas confiance en mon texte quand je jouais les premières scènes, je comptais beaucoup sur mon côté clownesque et burlesque. Je me cachais devant plein d’artifices, d’accessoires, et ça rendait le spectacle brouillon. Maintenant on l’a calmé. Je m’assois de temps en temps quand mes talons me font mal, mais le tabouret me sert surtout à poser mon sac à main. Je suis debout, comme un spectacle de conférencière. J’ai mis de côté les artifices au profit du propos.

Au lieu de camper une grande folle caricaturale,  Lolla Wesh opte pour une voix roque de fumeuse, pourquoi ?
C’est la technique de voix qu’utilisent les chanteurs de métal. Ça s’est fait naturellement la première fois, quand je caricaturais le travesti de fin de soirée à Pigalle, comme dans la chanson d’Aznavour. Dans mon premier job de styliste, ma patronne me donnait des leçons de glamour. Elle avait exactement cette voix de fumeuse, ça doit venir d’ici ! (rires). Pour moi, Lolla Wesh est non binaire. Elle est ni l’une, ni l’autre, et tous les genres en même temps.

Vous étiez styliste, vous avez fait des costumes dans le burlesque. Est-ce Tom qui habille Lolla ?
Quand j’ai fait les fashion weeks, les silhouettes sur lesquelles je travaillais étaient des Lolla Wesh, sans le savoir. J’ai une nouvelle perruque faite par un ami qui bosse sur Drag Race. La toute première, je l’avais chopée dans un magasin de farce et attrape. Le maquillage, je me débrouille, et le costume a une histoire avec ma vie privée. J’avais cousu une robe à paillettes pour mon ex, que j’ai récupérée et retapée. Je me réapproprie mon histoire.

Lolla Wesh, Le stand-up drag
À l’Espace Gerson les 10 et 11 février

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