Pop / C'est un Depeche Mode qu'on pourrait penser diminué, car inférieur en nombre depuis le décès d'Andy Fletcher, qui se présente pour la date lyonnaise de son Memento Mori Tour, du nom de leur dernier album dédié à l'ami Fletch. En réalité, c'est un groupe plus vivant que jamais, parce qu'animé par la flamme du souvenir et de l'hommage jamais moribond, qui vient montrer qui est le patron.
Ils étaient quatre puis trois après le départ d'Alan Wilder au milieu des années 90. Voilà maintenant Depeche Mode, réduit au noyau de ses deux leaders, le compositeur Martin Gore et le charismatique frontman Dave Gahan. La carpe et le lapin de DM, souvent malajustés, parfois au bord de la rupture. L'an dernier, celui qui avait tant de fois cimenté ce couple brinquebalant, Andy Fletcher s'en est allé, d'un genre de mort subite. Les deux auraient pu rompre. La perte de l'homme-lige de Depeche Mode, les a au contraire soudé comme jamais. Et l'album qui était alors en préparation est devenu un testament pour leur ami, un hommage posthume sur lequel plane une aura spectrale mais aussi le fantôme de l'avenir. Memento Mori – soit « souviens-toi que tu vas mourir » – démarre d'ailleurs comme une marche funèbre avec My Cosmos Is Mine avant que Wagging Tonhue ne gospelle « You'll find it hard to swallow / When you watch another angel die. » Avant Ghosts Again, – l'un des meilleurs singles du groupe depuis longtemps, dont on conseille la version live à cordes avec les musiciens de la BBC, triste à pierre fendre.
People Are People Are Good
Un titre qui à lui tout seul donne à l'album cette aura mélancolique. Pour ne pas dire nostalgique. D'une certaine époque – où les morts étaient vivants, les absents présents, et l'âge moins canonique – tant le retour aux synthés de jadis est flagrant. Car, plus loin, Gore et Gahan semblent carrément revisiter pour les amender les titres de quelques-uns de leurs tubes : Never Let Me Down Again (récemment ressuscité par la série The Last of Us) avec Never Let Me Go qui sonne comme à l'époque de A Broken Frame (comme le titre Caroline's Monkey) ou People Are People qui admet : People Are Good, privilège de la sagesse que de le reconnaître. Ce qui nous maintient au présent c'est bien ce cuir tanné et la voix de Gahan, à des années-lumières du timbre blanc du jeune freluquet de Basildon qui se débattait sur Speak & Spell. Memento Mori, avec ses airs testamentaires, est peut-être bien le premier disque d'un groupe qui a souhaité continuer parce que justement conscient de sa propre finitude – et d'être déjà passés, avec le recul, pas loin de la fin – comme il le chante sur le premier single précité : « We know we'll be ghosts again ». Une fois cela dit, comme dirait l'autre, on peut mourir tranquille.
Depeche Mode
Au Groupama Stadium mercredi 31 mai