Depeche Mode : une histoire parallèle

Depeche Mode

Groupama Stadium

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Pop / On peut retracer l'histoire d'un groupe à travers la chronologie de ses grands tubes. On peut aussi prendre le chemin des écoliers et emprunter les détours de titres moins courus, ignorés ou oubliés. Qui ici disent tout autant la valeur de Depeche Mode. 

Photographic (Speak & Spell, 1981)

Le Depeche Mode de Speak & Spell, ce n'est pas encore vraiment Depeche Mode. Martin Gore et Dave Gahan sont déjà là (Andy Fletcher aussi) mais les morceaux sont essentiellement signés Vince Clarke (rapidement démissionnaire), petite machine à pondre des tubes synthétiques (Just Can't Get Enough c'est lui et il connaîtra un succès énorme avec Yazoo et Erasure). Aux côtés des ritournelles un peu idiotes à la New Life/What's Your Name ?, Clarke est aussi l'auteur de cette hypnotique embardée qui emmène les compositions de John Carpenter en club. La version remix baptisée « Some Bizarre Version », mi-punk, mi-derviche tourneur, lance une tradition, celle des remix modiens presque aussi canoniques que les originaux.

Leave In Silence (A Broken Frame, 1982)

Premier morceau du premier album post-Vince Clarke (et donc quelque part du premier véritable album de Depeche Mode), Leave in silence sonne en intro comme un morceau de New Order. Il livre aussi quelques indices du Depeche Mode nouveau, plus en retenue, tourné vers les tonalités mineures, à la psychologie rentrée (le titre y est presque murmuré en fin de refrain). Mais surtout témoigne de la complexité musicale des compositions de Martin Gore tout en entrelacs et contrepoints de synthés qui semblent bavarder entre eux. Un classique fondateur négligé.

Love, In Itself (Construction Time Again, 1983)

Étrange single, pas vraiment resté dans les mémoires, le dernier de Construction Time Again qui marque un virage crypto-indus, Love, in itself a une construction bizarre avec son synthé lancinant, son faux cor bégayant, son piano bastringue et sa guitare acoustique. Le tout sur un rythme funky, presque hip-hop. Mais l'affaire est terriblement entêtante et le texte symbolique de l'évolution d'un groupe qui délaisse les bluettes de Speak & Spell pour des thèmes plus sombres : « There was a time when all on my mind was love / But now I find that most of the time, love’s not enough / In itself. »

 

Route 66 (Face B de Behind The Wheel, 1987)

À partir d'A Question of Time, Depeche Mode, qui commence à compter aux pays des highways, se met à composer des chansons d'autoroute. Behind The Wheel en étant l'exemple ultime. Si bien que pour être raccord, le groupe décide de placer en face B d'icelui, une reprise de (Get Your Kicks On) Route 66, vieille scie rhythm and blues de Bobby Troup, essoré par des figures comme Nat King Cole, Chuck Berry et les Stones. La trouvaille : une hybridation rythmique (au départ) et mélodique (en son milieu) avec Behind The Wheel. Et des guitares tranchantes qui annoncent Personal Jesus.

But Not Tonight (Black Celebration, 1986)

Étrange destinée biface que celle de ce tube en puissance : relégué en fond d'album et en face B du single Stripped en Angleterre et poussé en single aux US car pièce maîtresse de la BO de la comédie noctambule 80's Modern Girls. Le film n'étant lui-même pas une pièce maîtresse, le succès ne prit pas. Reste un hit catchy à souhait, dernier soubresaut dansant de DM avant le virage noir amorcé pour le meilleur par Music for the Masses. Que résumerait à merveille le premier vers de But not tonight : « It's raining/But I'm not complaining. »

Nothing (Music for the Masses, 1987)

Sur l'album de l'explosion mondiale, celui qui entraînera la dantesque tournée 101 immortalisée en road movie/concert filmé par DA Pennebaker, les locomotives sont évidemment Never Let Me Down Again, Behind The Wheel et Strangelove. Mais il n'y a rien à jeter sur cet album parfait. À commencer par le très représentatif (car très martial) Nothing, bourré de la métallurgie fondue par Alan Wilder, ivre du timbre monocorde de Gahan et bercé des « wouhou » de Gore. On y entend même les prémices d'un riff de guitare funky préfigurant le virage Violator. Expérimentations également à l'oeuvre sur une autre bombe : Pleasure Little Treasure.

Halo (Violator, 1990)

Rien à jeter non plus sur cet autre album parfait qui voit le groupe opérer un virage à on ne sait combien de degrés vers les années 90. Et le rock à guitares. Caché entre les tubes imparables (World in My Eyes, Personal Jesus, Policy of Truth et surtout Enjoy the Silence) et les comptines psycho-sexuelles chantées par Martin Gore, il y a Halo. Une splendide histoire orageuse d'infidélité coupable et de grand amour à assumer. Servie qui plus est par un sublime clip en Super 8 d'Anton Corbijn, dépositaire de l'imagerie DM, sur l'impuissance de la masculinité toxique (dans un cirque ambulant).

Useless (Ultra, 1997)

Il y a ce riff de guitare plaintif qui semble être joué sur un instrument fait de métal en fusion. Cette basse qui voudrait être funky si elle ne s'exprimait au ralenti. Et Dave Gahan qui supplie dans un de ses meilleurs exercices de crooning zombie (matière en laquelle il excelle dans cette période de renaissance de ses propres cendres). Une chanson de rupture qui serait adressée à Alan Wilder, démissionnaire (la preuve des tenants de cette thèse étant qu'elle ne contient pas de synthés). Les mauvaises langues arguent qu'elle est en réalité destinée à Gahan et contiendrait un message caché sur sa consommation de drogues : « use less ».

Enjoy The Silence, Reinterpreted by Mike Shinoda, (2004)

Puisqu'on parlait plus haut de remixes, celui-ci accouche quasiment d'un nouveau titre et se présente davantage comme une réinterprétation, une quasi-reprise. À partir d'une bouture du tube emblématique du groupe, Mike Shinoda, homme-orchestre de Linkin' Park, en livre une invraisemblable version nu-metal aussi épique qu'une croisade et qui, poussée sur une branche de l'original, acquiert sa vie propre sans rien altérer de son aïeul – la version atteint la 7e place des charts britanniques.

Broken (Delta Machine, 2013)

L'album Delta Machine continue de marquer le tropisme blues de Martin Gore. C'est donc un peu du blues du Delta joué par des machines (DM y est revenu depuis Exciter). Un disque qui pourrait être le membre surnuméraire d'une trilogie Violator /Devotion /Ultra. Et Broken un cousin sous laudanum du tube Behind the wheel chanté avec la gravité inimitable de Dave « Je-suis-mort-pendant-deux-minutes » Gahan. Une sorte de bouillon électro trempé dans le bayou que viennent électrocuter les guitares d'un Martin très Gore. C'est en mesurant la qualité des chansons sensées être mineures d'un disque que l'on mesure sa grandeur. Et celle du groupe qui les accouche.

Depeche Mode

Au Groupama Stadium mercredi 31 mai

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