Exposition / Dans une de ses expos les plus immersives et surtout participatives dès l'enfance, le Musée des Confluences décline l'amour sous toutes ses formes : passion, sexualité mais aussi amitié, lien filial et lien de soin avec des médiums aussi différents que des jeux, de la vidéo, des installations d'art contemporain, statuettes ou peluches.
Passé un couloir de portes en forme de cœurs, la belle installation d'Annette Messager (Sleeping heart, deux sacs de couchage reliés formant un... cœur) et ces murmures en langues étrangères : love, liebe, amor... s'asseoir dans une mini salle de cinéma et écouter des chercheurs et chercheuses dont l'anthropologue Agnès Giard nous raconte comment le système matrimonial au Japon est castrateur et impose à une femme mariée de ne plus travailler. Les couples hors mariage étant mal vus par la société, les célibataires sont de plus en plus nombreux, alimentant un marché croissant de love doll siliconées, d'époux et d'épouses holographiques, de partenaires en réalité virtuelle ou de petits copains à télécharger.
Le musée n'alimente pas le romantisme — ce n'est pas son rôle — mais rempli sa mission de faire état des avancées scientifiques et c'est très bien car, sous la profusion de systèmes interactifs (dont le jeu test assez décevant sur l'empathie), le sujet aurait pu être enseveli. Créé pour le Palais de la Découverte de Paris en 2019-2020, De l'amour est devenu À nos amours à Lyon, enrichi des collections du Musée des Confluences, notamment dans une vitrine qui traite de la notion d'attachement chez les autres espèces que l'humain. Comme le poisson-globe des océans Pacifique et Indien qui, pour attirer la femelle, dessine un motif dans le sable grâce à ses nageoires, construit un nid et veille sur les œufs jusqu'à leur éclosion ; ou le mâle manchots Adélie qui offre des petits cailloux à sa dulcinée en gage d'investissement dans leur relation !
Les signes d'amour chez les humains sont également exposés avec des objets d'envoûtement comme cette plume douce venue d'Australie ou une épingle à cheveux de Tanzanie qui marque un moment important du couple — emménagement commun ou arrivée d'un enfant. D'autres objets sortis des conserves du musée évoquent le désir à l'instar d'un coupe-noix indien ou deux personnages s'embrassent quand l'engin est activé. Eros n'est pas loin, #metoo non plus car tout est affaire de consentement, traité évidemment dans ce vaste parcours sur plus de 800 m². À cet égard, ne pas manquer la vidéo crayonnée aussi drôle que glaçante Consent is everything, datant d'une dizaine d'année : une tasse de thé remplace une relation sexuelle. On peut accepter qu'on nous prépare une tasse de thé puis ne plus en vouloir quand elle est servie. Inutile alors de forcer son invité à la boire. Imparable.
Vertiges
Le désir se diffuse aussi susurré dans une alcôve assombrie et duveteuse via un mur d'objets dont l'histoire nous est racontée lorsqu'on s'en approche et surtout des témoignages sont à écouter au casque et interdits aux moins de 16 ans sur l'évolution de sexualité de l'un, l'asexualité de l'autre. L'attachement s'affiche, a contrario, en pleine lumière comme cette photo noir et blanc d'un homme rieur et ses bébés jumelles saisi par le Malien El Hadj Tidani Shitou en 1974 ou la statue de la Canadienne Martha Tickie rappelant que, dans la culture inuite, les adoptions sont plus courantes que chez nous.
Mais le parcours de cette expo a été pensé pour que les visiteurs et visiteuses ne soient pas passifs et sont invités à choisir dans un juke box leur chanson et se déhancher dans une salle de bal au son de Clara Luciani, de la soul de Jon Batiste ou la K-pop de Got7. Sans transition, et c'est dans le fond une des forces de cette proposition, cap sur un médium du lien qu'est le téléphone portable pour les migrants, signifiés par une photo de Bruno Serralongue faite à Calais en 2015 où sur une table, dans le froid, s'accumulent des multiprises reliées à des batteries comme des animaux seraient appareillés à des mamelles pour en retirer leur vitale substance.
À nos amours
Au Musée des Confluences jusqu'au 25 août