Surélévation des immeubles : la solution miracle ?

La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050. Cet objectif permet d’interdire toute artificialisation nette des sols sur une période donnée. Face aux difficultés et inquiétudes soulevées par ce texte, une nouvelle loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de l’objectif de ZAN a été promulguée le 20 juillet 2023, accompagnée de trois décrets publiés le 28 novembre 2023. Dès lors que l’objectif des textes législatifs est de réduire la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers, la rareté des sols à bâtir augmente. La réserve foncière n’étant pas inépuisable, il faut donc se tourner vers des solutions créatives pour augmenter l’emprise foncière.

L’intérêt de ce procédé se situe à plusieurs titres : dans les grandes villes où le foncier coûte de plus en plus cher, pour faire face également à la pénurie de logement, mais surtout dans un secteur de montagne où les passoires thermiques sont nombreuses, et les copropriétaires dans l’incapacité de financer la remise aux normes énergétiques. C’est dans ce contexte que certaines copropriétés dans les stations de ski proches de Grenoble, ont pris la décision de réaliser une rénovation globale en passant par la surélévation, l’objectif étant la revalorisation de l’immeuble (financement de travaux de rénovation énergétique, mise aux normes, création d’un toit-terrasse, réfection des parties communes, amélioration des performances thermiques, acoustiques, étanchéité), la réduction des charges conséquentes, le financement des travaux de rénovation énergétique, avec la production d’énergie renouvelable. La surélévation de l’immeuble, notamment en zone tendue, devient une solution idéale d’optimisation de l’espace habitable.

Assouplissement de la réglementation en droit de la copropriété

Toute une série de réformes ont été votées afin de faciliter le recours à cette technique de surélévation, en assouplissant la réglementation en droit de l’urbanisme ou en droit de la copropriété. Il s’agissait surtout de protéger les intérêts d’une copropriété et en particulier des copropriétaires du dernier étage qui sont impactés par la surélévation. Une surélévation exige une construction en dur qui provoque une élévation de l’immeuble au-dessus du faîtage, en créant de nouveaux locaux. Ainsi, un aménagement des combles ne constitue pas une surélévation. L’obturation de surélévation nécessite l’obtention d’un permis de construire et la création de nouvelles surfaces habitables. Sur le plan technique, l’opération de surélévation nécessite un audit technique complet de l’immeuble (étude béton et structure et béton ascenseur,  etc.).

Depuis la loi Alur, il est plus simple de procéder à la surélévation des immeubles en copropriété. Ainsi, avant la loi Alur, la surélévation d’un immeuble en copropriété ne pouvait être votée qu’à l’unanimité de l’assemblée générale des copropriétaires. Un seul copropriétaire pouvait donc bloquer un projet. Essentiellement, la loi Alur a modifié l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, qui prévoit que : « La surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée par les soins du syndic que si la décision en est prise à la majorité prévue à savoir celle de l’article 26 ou à la majorité de tous les copropriétaires lorsque l’immeuble est compris dans un périmètre de droit de préemption urbain (L 211-1 du Code de l’urbanisme) ». Au final, les règles de majorité dépendent de l’affectation future des locaux créés :

– Lorsque le local créé est à l’usage de tous, le vote doit être adopté à la majorité absolue (majorité des voix de tous les copropriétaires présents, représentés et absents) ;

– Lorsque le local créé est un lot privatif, la loi Alur facilite cette surélévation et permet l’adoption à la majorité qualifiée de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 (2/3 des voix des propriétaires).

La loi Alur a supprimé le droit de veto des propriétaires du dernier étage à l’encontre du projet de surélévation.

En compensation de cette perte de l’unanimité, les copropriétaires du dernier étage disposent désormais d’un droit de priorité à l’achat des lots nouvellement créés. Le droit de priorité des copropriétaires du dernier étage est prévu par l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965 : « Préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs lots, le syndic notifie à chaque copropriétaire de l’étage supérieur du bâtiment surélevé l’intention du syndicat de vendre, en indiquant le prix et les conditions de la vente ».

Cette notification vaut vente pendant deux mois à compter de sa notification.

Le déroulé de cette opération de surélévation

D’une manière pratique, si la copropriété ne réalise pas elle-même l’opération de surélévation, l’assemblée générale devra faire adopter les trois résolutions suivantes :

– La création d’un ou plusieurs lots correspondant à la surélévation, c’est-à-dire le volume qui va être construit (ce qui nécessite que soit établi un projet de modificatif de l’état descriptif de division par un géomètre-expert) ;

– La cession de ce ou ces lots à la personne qui va réaliser l’opération de surélévation, un promoteur le plus souvent (la difficulté sur ce point est d’évaluer la valeur du droit à construire ainsi cédé) ;

– Les autorisations administratives de construire ces nouveaux lots.

La copropriété peut envisager de céder son droit à un tiers, par exemple à un promoteur immobilier.

Cela permettra d’alléger les coûts financiers pour la copropriété, ainsi que sa responsabilité. Dans une copropriété, le droit de créer de nouveaux locaux privatifs en surélévation appartient par principe au syndicat des copropriétaires. Sauf clause contraire du règlement de copropriété, ce droit de surélévation concerne les parties communes de l’immeuble. L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : « Sont réputés droits accessoires aux parties communes dans le silence ou la contradiction des titres le droit de surélever un bâtiment affecté à l’usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes, ou d’en affouiller le sol ». Le promoteur immobilier sera chargé de créer dans ces parties communes de la copropriété, des nouveaux volumes à construire en créant de nouveaux lots privatifs, de modifier le règlement de copropriété, de demander un permis de construire et d’effectuer les études techniques, le tout à sa charge.

Pour mener à bien une telle opération, il est juridiquement indispensable de s’entourer des services :

– D’un géomètre afin d’établir le projet de modification de l’état descriptif de division à soumettre au vote de l’assemblée générale.

– D’un notaire afin de procéder à la cession du ou des lots correspondant à la surélévation (droit à construire) et à la publication du modificatif de l’état descriptif de division précité à la conservation des hypothèques.

Le syndic devra bien vérifier que l’entreprise chargée de surélévation a souscrit les assurances nécessaires pour garantir la bonne fin des travaux. Les copropriétaires peuvent subir un préjudice lié à cette surélévation et tenter d’obtenir une indemnité. Cette possibilité est décrite à l’article 36 de la loi du 10 juillet 1965. Cette indemnité est à la charge de l’ensemble des copropriétaires et répartie selon la proportion initiale des droits de chacun dans les parties communes. Ce préjudice n’est indemnisable que dès lors qu’il affecte de manière définitive la valeur d’un lot, qu’il constitue un trouble de jouissance grave et qu’il a entraîné des dégradations du bien du copropriétaire qui s’estime victime de la surélévation. Il est d’ailleurs conseillé à ce copropriétaire de voter négativement au projet de surélévation, sous peine de risquer d’être déclaré irrecevable dans l’hypothèse de l’engagement d’une procédure judiciaire.

Favorisée par les derniers textes législatifs et réglementaires, la surélévation est techniquement et juridiquement possible. Surtout, les copropriétaires peuvent trouver un véritable intérêt financier à céder le droit de surélever leur immeuble. En effet, compte tenu des contraintes qui affectent les immeubles en termes de rénovation énergétique qui ont un coût non négligeable, la surélévation peut à la fois répondre à l’exigence de recherche de financement, mais également permettre de contrer la pénurie foncière et permettre une détente sur les prix et notamment en immobilier de montagne. Il est formellement conseillé de faire appel à un certain nombre de spécialistes sur le plan technique, sur le plan immobilier et à votre notaire afin que l’opération se déroule avec succès.

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