Festival / Après une période de grande incertitude, Woodstower est de retour avec une nouvelle formule. Cette fois-ci du 17 au 20 juillet 2025, au Parc de Gerland : un saut dans le vide pour le festival qui ne s'y retrouvait plus économiquement. Entretien avec Maxime Noly, directeur général de l'événement.
Le Petit Bulletin : Comment analysez-vous les deux dernières éditions du Woodstower au Grand Parc de Miribel Jonage ?
Maxime Noly : Ce sont deux années qui ont été difficiles et frustrantes. On avait mis beaucoup de cœur à l'ouvrage pour refaire des éditions à la hauteur de celles d'avant covid, et cela malgré la hausse générale des coûts. En 2023, on avait observé une jolie courbe de billetterie, qui laissait augurer une édition record, puis la météo a contrecarré nos plans. Le soutien de la Métropole nous a fait sortir la tête de l'eau et on est reparti de plus belle en 2024. Là, ç'a été la désillusion : le public a moins été au rendez-vous que ce que nous avions projeté. Il a fallu se remettre en question.
Force est de constater que la concurrence s'est développée, je dirais même qu'il y a une petite saturation de l'offre à ce moment de l'année. Je pense notamment au festival Golden coast à Dijon, un événement rap soutenu par le groupe Combat de Matthieu Pigasse. On a appris trop tard que Booba allait s'y produire deux semaines après être passé chez nous. Un coup dur, surtout qu'il est difficile de faire venir le public rap à des festivals généralistes et que les artistes rap sont très chers.
Un autre festival est venu nous concurrencer directement, notamment sur les musiques électroniques : on a appris au printemps qu'un événement du nom de Brunch Electronik allait se tenir au Grand Parc de Miribel Jonage autour de la même période que nous. Là aussi, avec des grosses têtes d'affiche, car soutenu par la major américaine Live Nation. Tout cela dans un contexte de diminution de la disponibilité financière, à cause de l'inflation mais aussi des Jeux olympiques.
Nous sommes un peu dépourvus face à ça, nous n'aurons jamais la force de frappe d'une énorme major américaine par exemple. Alors on essaye de valoriser l'expérience unique de festival qui est la nôtre, on essaye aussi de mettre en avant nos engagements environnementaux, citoyens, nos actions de territoire comme le travail de médiation que nous faisons à l'année avec les jeunes, notamment le Woodstour.
Le Syndicat des musiques actuelles a lancé une campagne intitulée "Vous n'êtes pas là par hasard", essayant de faire émerger de nouveaux outils, comme des nutriscores appliqués aux festivals. On a hâte de pouvoir les utiliser, pour montrer les résultats de notre travail sur ces thèmes-là. L'écosystème historique des acteurs culturels lyonnais est fragilisé, pourtant on se bat pour la préservation de ce réseau, de ces offres accessibles et cohérentes. C'est important que la question de la consommation éthique soit aussi prégnante en matière de festivals.
Qu'est-ce qui va changer cette année ?
Beaucoup de choses vont rester similaires : la jauge au parc de Gerland est toujours à 12 000 personnes, sinon on ne s'y retrouverait pas économiquement. Là, on va moins dépenser, car on sera déjà raccordé au réseau électrique, en fluides, l'enceinte est déjà clôturée en partie, les abords sont aménagés, il y a de l'éclairage public, des transports publics ne nécessitant pas qu'on aménage un parking... On a évidemment gardé tout ce qui faisait l'âme et la spécificité du Woodstower, notamment l'expérience festivalière avec une programmation ambitieuse de jour, en rajoutant des choses. Il y aura l'écovillage, les conférences, les ateliers... et on va aussi profiter de la proximité du skatepark pour proposer des croisements entre sport et culture : avec des sports de glisse, du foot freestyle, du beatbox et du graffiti...
En revanche, il n'y aura pas de camping, et cela faisait partie de l'expérience globale avec la plage. Ça ne veut cependant pas dire qu'on ferme résolument le dossier camping pour les années à venir.
Les concerts de la dernière édition du Woodstower s'achevaient à 5 heures du matin. Les soirées les plus tardives de cette édition s'arrêteront à 2 heures du matin. Les pratiques ont-elles changé, ou est-ce devenu particulièrement difficile d'organiser des événements nocturnes à Lyon ?
On est dans un environnement avec des habitations collées, et nous faisons des concerts en plein air. Cela crée des nuisances, il faut donc trouver un équilibre entre continuité de la vie culturelle et tranquillité urbaine. On envisagera peut-être à l'avenir des formats d'after dans un environnement plus fermé, un peu comme Nuits sonores.
Aussi, les transports publics s'arrêtent à 2 heures du matin. Au Grand Parc on voyait déjà qu'il y avait une baisse significative de la fréquentation et de la consommation au bar entre 2 et 5 heures, ce n'aurait pas été cohérent de chercher absolument à prolonger les soirées.
La programmation musicale du Woodstower se place-t-elle dans la continuité des éditions précédentes ?
On écrit un nouveau chapitre du Woodstower aujourd'hui ; on change de dates et on change de lieu donc on ne peut pas changer complètement de direction artistique. On a fait quelques corrections à la marge. On avait peut-être laissé un peu trop de place au rap. La scène Woodfloor qui partageait sa programmation entre rap et électro ne proposera plus que de l'électro. Pour le reste, on garde le même esprit, avec des têtes d'affiche et de l'émergence, le plus souvent possible issues du territoire.
Aujourd'hui vous diversifiez vos activités.
On organise des concerts : au théâtre antique de Vienne, au Transbordeur, à l'Épicerie moderne, à La Rayonne, à La Marquise... Cela participe de la nécessité des festivals d'avoir un modèle économique qui tient la route. On espère que cela fonctionnera sur le long terme, pour l'instant c'est le cas.