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Brunch Electronik, Hypnotize : quel impact sur le tissu lyonnais ?

Brunch Electronik, Hypnotize : quel impact sur le tissu lyonnais ?

Festivals / De nouveaux festivals à l'économie privée arrivent dans l'écosystème des événements open air et des festivals d'été lyonnais. Certains acteurs s'inquiètent de l'impact que cela pourrait avoir au long terme sur la diversité des festivals du territoire.

Interrogé en janvier dernier au sujet du renouveau du Woodstower, le directeur général de l'événement Maxime Noly avait évoqué les raisons qui ont amené l'équipe à repenser le modèle économique du festival musical, notamment à le faire migrer depuis le Grand Parc de Miribel-Jonage au Parc de Gerland et à changer les dates de l'événement. Parmi elles, l'émergence d'une nouvelle compétition sur le territoire, incarnée par des acteurs privés et à la programmation particulièrement accrocheuse : « Deux festivals nous ont impactés. En premier, le festival de hip-hop Golden coast qui se tenait à Dijon deux semaines après nous », a-t-il évoqué. Un événement porté par le groupe Combat Media (détenu par Matthieu Pigasse) qui a notamment programmé Ninho, Booba, Djadja et Dinaz... « Côté musiques électroniques, on a été surpris par l'arrivée d'un nouvel acteur annoncé au printemps, Brunch Electronik. Leur événement a eu lieu au Grand Parc de Miribel-Jonage, deux semaines après nous », poursuit-il. Cette fois-ci, l'événement est détenu par Live Nation, une société américaine contrôlant une grande partie de la chaîne du spectacle. La tête d'affiche du "festival nomade" né il y a 11 ans était toute aussi prometteuse : Amelie Lens, Paul Kalkbrenner ou encore Joachim Pastor. Interrogé, le festival n'a pas répondu à nos sollicitations.

Un dernier acteur a annoncé son implantation à Lyon en ce début d'année 2025. Le festival Hypnotize se tiendra les 13 et 14 juin au Grand Parc de Miribel-Jonage. Orienté hip-hop, ce sont Booba, Jok'air, Kalash, Laylow... qui tiennent le haut de l'affiche de l'événement détenu par la start-up d'entertainment espagnole qui œuvre à l'international, Fever. Interrogée par Le Petit Bulletin, celle-ci a déclaré : « Nous sommes convaincus que chaque projet a sa place. L'objectif n'est pas d'entrer en concurrence avec les autres acteurs culturels lyonnais, mais d'offrir une expérience inédite et complémentaire qui viendra enrichir l'offre culturelle estivale ».

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Une tendance déjà observée

Des arrivées consécutives d'acteurs puissants, qui rappellent une tendance déjà observée dans les années 2018-2019. Le président du Syndicat des musiques actuelles (SMA) et directeur du festival Les Suds à Arles Stéphane Krasniewski se remémore : « On a vu survenir des opérateurs exogènes comme Live Nation, AEG, Vivendi... qui ont racheté ou lancé festivals après festivals, surtout dans le sud-est. » Certains groupes comme Vivendi détenaient alors toute la chaîne de production : des catalogues d'artistes, des salles, des solutions de billetteries, et même parfois des maisons de disque.

Le SMA avait alors lancé la campagne "Vous n'êtes pas là par hasard", pour sensibiliser les publics et les partenaires à la préservation d'un maillage territorial varié, afin « d'éviter les logiques de concentration comparables à celles des médias ou des milieux de l'édition », précise son président. C'est probablement sans rapport de causalité que ces acteurs ont peu à peu vendu leurs festivals jusqu'en 2023. Vivendi par exemple, a justifié ce rétropédalage par la « trop faible taille internationale » de la plupart de ses festivals.

Un soulagement pour Stéphane Krasniewski qui insiste sur une nécessaire vigilance : « En Angleterre et en Belgique, ce sont des centaines de festivals qui ont disparu comme ça. Ceux qui ont survécu à cette purge sont ceux qui se sont adossés à des groupes qui pratiquent des logiques de prix dynamiques, des services à la demande comme des distinctions sociales au sein des événements par exemple. Il faut se poser la question de ce que l'on veut chez nous. »

Des publics qui ne sont pas extensibles

Pour Maxime Noly, le risque de se faire siphonner ses publics est réel : « C'est très frustrant, vu de l'intérieur. On est un festival engagé sur les questions écologiques, on fait de la médiation avec les jeunes du territoire à l'année, on programme de l'émergence... mais ce n'est pas forcément ce que les gens voient en premier, ils voient surtout la programmation, les têtes d'affiche et la communication agressive sur les réseaux sociaux. On ne peut pas rentrer dans des logiques de surenchère, surtout dans le contexte post-covid où les cachets ont doublé, parfois triplé tandis que les tutelles ne peuvent pas suivre », détaille Maxime Noly.

Plusieurs professionnels du milieu insistent sur la nécessité de faire intervenir les collectivités, que celles-ci jouent un rôle de garde-fous et empêchent la venue d'un acteur exogène si cela risque de nuire à un événement accompagné par des subventions publiques. Emmanuel Négrier est directeur de recherche au CNRS et responsable du Centre d'études politiques et sociales de l'université de Montpellier. Il a notamment co-écrit Festivals, territoire et société. Il évoque le rôle prépondérant des collectivités pour la sauvegarde d'un écosystème des festivals varié : « Les collectivités pourraient avoir une influence positive dans la coexistence pacifique d'un monde marchant avec un monde non-marchand, surtout quand ce dernier a plus de potentiel d'intérêt général. »

Le Petit Bulletin a interrogé Cédric Van Styvendael, vice-président à la culture de la Métropole, qui a évoqué la nécessité de « lancer rapidement un "diagnostic 360" sur l'offre et la programmation culturelle sur la métropole, notamment autour des lieux dédiés aux concerts et à la musique, car c'est sur ce secteur-là que la concurrence est la plus tendue ».

Évasion festival 2024 @ Leviet photography

Une affaire de taille, et de têtes d'affiche

Pour un autre acteur local, le son de cloche est un peu moins alarmiste. Victor est l'un des fondateurs du rendez-vous de musiques électroniques Evasion festival né en 2016, qui a lieu du 28 au 29 juin prochain sur la plage de l'Atol, au Grand Parc de Miribel-Jonage. « On savait que ce phénomène allait arriver, c'était déjà le cas depuis plusieurs années dans d'autres villes de la même taille que Lyon. Ce dont on est sûrs, c'est qu'on ne pourra jamais lutter sur le terrain de la programmation. Il faut donc renforcer nos différences. » L'Evasion festival revendique une expérience plus intimiste (10 000 personnes sur le week-end contre 20 000 pour Brunch Electronik), plus accessible, porteuse de valeurs et faisant la part belle à l'émergence. 

Par ailleurs, l'équipe de l'Evasion festival a pris les devants et est entrée en contact avec Live Nation puis Fever dès qu'ils ont annoncé leur venue : « On devrait bosser avec Hypnotize pour l'exploitation de bars », détaille Victor. Une prestation qui permettrait à l'Evasion festival de renforcer sa trésorerie tout en faisant travailler le tissu local.

Pour Emmanuel Négrier, ce sont surtout les festivals de moyenne envergure — tels que le Woodstower — qui sont fragilisés par l'arrivée de ces nouveaux événements : « Les gros producteurs sont en position de force aujourd'hui, car, pour la plupart, ils détiennent un certain nombre de têtes d'affiche. L'enjeu est peut-être de repenser la fonction de ces dernières, même s'il est indéniable qu'elles jouent un rôle majeur pour fidéliser les publics ou les faire revenir dans un moment où un festival se refait une ligne artistique et/ou commerciale. »

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