Partis sur notre faim


Bien sûr le décor éclairé de différentes nuances de gris et troué de deux lucarnes à jardin et à cour, avec ses deux poubelles plantées en devant de scène, nous plonge immédiatement dans ce non lieu où se déroule Fin de Partie de Beckett, tout à la fois mise en abyme du théâtre et resserrement de ce que pourraient être - à leur phase terminale ou initiale, c’est tout comme - une poignée d'existences… Mais Hamm en vieillard aveugle et paralytique un peu maniéré et à la voix souvent emphatique et son serviteur et fils adoptif Clov claudiquant de façon trop ample et appuyée, ce n'est pas beaucoup mais c'en est déjà, selon nous, un peu trop. Trop de mouvements et trop de tirades chevrotantes ou criardes. Trop de psychologie esquissée et trop de gestes, de jeux de mots ou de monologues appuyés. Vociféré, le pourtant si drolatique et désespéré «léchez-vous les uns les autres» de Hamm devient inaudible dans sa clameur. Ce n'est point ici un problème de talent des comédiens - les quatre présents sur scène en ont à revendre, mais de choix de mise en scène. Alain Françon croit trop au théâtre pour une Fin de Partie qui voudrait le faire imploser, non exploser. Beckett disait vouloir un spectacle «nu, navrant, désespéré». Dans sa première mise en scène, il avait éprouvé des difficultés à faire accepter cette pièce et ses attentes, même à l'acteur Roger Blin, pourtant grand admirateur du dramaturge. «La fin est dans le commencement et cependant on continue»… Allez donc adapter cela !

Jean-Emmanuel Denave

Fin de Partie
au TNP, jusqu'au dimanche 24 février


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«Fuck off Charles!»