The Jackson One

Visage de déesse grecque et crinière de gorgone folk, Valerie June charrie par la seule grâce de sa voix, un univers rempli de disques sans âge et de bêtes du Sud sauvage. A la croisée des chemins entre Dolly Parton et gospel ensorcelleur. Stéphane Duchêne.


«We got married in a fever, hotter than a pepper sprout / We've been talkin' 'bout Jackson, ever since the fire went out / I'm goin' to Jackson, I'm gonna mess around / Yeah, I'm goin' to Jackson / Look out Jackson town». On n'a jamais trop su à quelle Jackson Johnny Cash et sa femme June faisaient référence dans cet immortel duo où il s'agissait ni plus ni moins que de prendre la ville, de la mettre à ses pieds et d'y mener grande vie.

Mais même s'il n'a pas écrit cette chanson – œuvre de Billy Wheeler, reprise par un autre fameux "couple" : Lee Hazlewood et Nancy Sinatra – au vu de la situation géographique de Johnny Cash, on peut sans crainte opter pour Jackson, Tennessee. Et comme l'Histoire fait bien les choses, c'est précisément là qu'a vu le jour une autre June, Valerie de son prénom, que l'on pourrait fantasmer en fruit des pérégrinations énoncées dans ladite chanson.

La gamine du Tennessee a néanmoins quelque chose – et aussi quelque chose de plus – d'une autre native de l'Etat : car Valerie June est une sorte de Dolly Parton noire à la chevelure de Méduse – et au destin similaire, sortie de la fange. Doublée d'une version adulte de la petite Hushpuppy des Bêtes du Sud Sauvage, qui continuerait de s'inventer des histoires, bercée par ces incunables folk que les diamants des tourne-disques ont fini par réduire en poussière.

Soleil de June

Ses dreadlocks comme autant de racines reliant son crâne à un passé immuable, Valerie June (Carter) jouera donc la musique roots des moonshiners, du nom des bouilleurs de cru des Appalaches : d'abord sur les routes du Sud puis du monde avant d'émigrer, forcément, à Williamsburg, repère hippie et arty de Brooklyn. A force d'autoproduction et de bouche à oreille, elle tombe dans celles, d'oreilles, de Dan Auerbach, leader des Black Keys et producteur incontournable.

Quand on roule sur la jante depuis toujours, cela vaut ticket pour l'espace, comme le prouve le succès de Pushin' Against a Stone, album au titre sisyphéen, parfois surproduit. Car c'est quand elle sonne au plus près de la vérité de ses chansons, comme lorsqu'elle jouait seule sur scène, s'accompagnant à la guitare, que Valerie June impressionne le plus. Capable de restituer à la fois le soleil de June et le souffle froid d'esprits ancestraux, à la croisée des chemins du sud, là où Robert Johnson a pactisé avec le diable, cette voix-là n'a guère besoin d'afféterie pour vous transporter vers le Jackson de votre choix.

Archive + Tindersticks + Valerie June
Au Théâtre antique de Fourvière, jeudi 25 juillet


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