De l'amour et de la pellicule


Dans l'excellent magazine SoFilm, Maroussia Dubreuil se pose chaque mois cette question : «Doit-on tourner avec son ex ?». L'Institut Lumière la retourne dans sa programmation printanière en "Que se passe-t-il quand un cinéaste filme la femme / l'homme qu'il aime ?". Ce cycle "Je t'aime, je te filme" sera donc l'occasion de passer en revue des couples célèbres, comme celui formé par le regretté Alain Resnais et sa muse Sabine Azéma — Mélo — ou celui, tumultueux, qui unit le temps du tournage interminable des Amants du Pont-Neuf Leos Carax et Juliette Binoche.

Restons en France, mais quelques années auparavant, où Jean-Luc Godard magnifia Anna Karina du Petit Soldat à Pierrot le fou, avec au milieu un film qui semble n'exister que pour elle, Vivre sa vie, travail d'iconisation amoureuse à la croisée de la fétichisation cinéphile — Karina filmée comme Falconetti dans La Passion de Jeanne d'Arc — et de la contemplation subjuguée… C'est un rapport du même ordre que l'on trouve dans La Belle et la bête ; Cocteau est tellement fasciné par la Bête-Jean Marais qu'il en oublie complètement de regarder la Belle — Gans, dans son navet, tentera de rectifier la chose, mais il finira par ne rien regarder du tout.

Un ami metteur en scène nous disait il y a peu : «Je ne peux pas mettre sur scène des comédiens avec qui je n'ai pas envie de coucher…». On trouve ainsi dans le cycle des cinéastes-collectionneurs de compagnes-actrices (Chaplin, Guitry) et d'autres à la passion exclusive (les couples Cassavetes-Rowlands ou Newman-Woodward). Ce sera sans doute un petit jeu de cette rétrospective : au cinéma comme dans la vie, faut-il être fidèle à une seule femme ou amoureux de toutes ?

Christophe Chabert

Je t'aime, je te filme
Jusqu'au 20 mai, à l'Institut Lumière.


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