Razzle : ça coince !

Le Razzle devait ouvrir le 19 janvier. Il n'en a rien été, et il semble que ce ne sera jamais le cas : l'équipe n'a pas réussi à obtenir d'emplacement où amarrer son bateau-phare à vocation culturelle.


« En fait, c'est simple : on ne comprend pas. » déclare, désabusée, Rihab Hdidou, co-directrice du Razzle avec son conjoint, Christophe Clément. Ce bateau-phare devait ouvrir ses portes le 19 janvier dernier, autour d'un projet à haute valeur culturelle ajoutée : du clubbing, des concerts alternatifs, un restaurant de nuit tenu par un chef étoilé lyonnais, une terrasse pour des rendez-vous festifs... La programmation établie sur plusieurs semaines a été entièrement annulée ces derniers jours, à l'exception de deux concerts déplacés à l'Ayers Rock Boat et au Sonic. Après, nada : le bateau est toujours à Marseille, même si les travaux sont terminés. Pour rien ?

Aujourd'hui, pour les initiateurs du projet, l'aventure touche à sa fin : « J'ai perdu espoir. Je pense que le Razzle n'ouvrira jamais à Lyon. Nous sommes abattus. » poursuit Rihab. Mais la raison du blocage reste obscure. Ce qui était un atout pour le public est devenu un problème insurmontable : le Razzle est un bateau, et doit donc trouver un point d'accostage, forcément sur l'espace public. C'est là que les soucis surviennent : l'accord n'a jamais été donné et l'équipe a été ballotée depuis trois ans maintenant, sans jamais se résoudre à une issue négative.

« Nous avons de très nombreux soutiens, à la Métropole, au service culturel, à la mairie centrale... Mais il semble que ça bloque tout en haut, au niveau de Gérard Collomb, qui n'a jamais voulu nous recevoir et s'opposerait à notre projet. On voudrait juste savoir pourquoi. »

Le Razzle

Un projet pourtant financé entièrement par des fonds privés : 1, 7 millions d'euros ont déjà été investis, dont 700.000 euros d'investisseurs en grande partie lyonnais, un prêt du brasseur Heineken et des fonds propres. Le projet est porté par une équipe qui a fait ses preuves : Mona Van Cocto, le propriétaire, a déjà lancé à Paris le Batofar et à Bordeaux l'Iboat. Avec succès. Seul bémol : ce dernier a subi une fermeture administrative suite à une affaire de trafic de drogue ayant touché plusieurs lieux de Bordeaux, il y a deux ans. Mais l'arrêté pris par Michel Delpuech, alors préfet d'Aquitaine et désormais en poste à Lyon, a été annulé et l'Iboat entièrement blanchi par une décision de justice. Alors, pourquoi ?

Dans le petit monde de la musique locale, certains évoquent une sur-offre en matière de lieux de nuit électro risquant de perturber l'équilibre des clubs déjà existants, argument avancé au début par la mairie de Lyon. Le Razzle a vite répondu, arguant que leur jauge inédite ici (300 personnes) et leur programmation (très alternative) allaient plutôt venir en complément des lieux existants. Les services culturels de la mairie de Lyon se sont alors montré favorables à l'avancée du projet, l'étape suivante étant la Métropole. Roland Bernard, en charge des dossiers "fleuve", a suivi celui-ci. Au début, c'était encore Confluence qui était visé comme emplacement. Face aux difficultés rencontrées, un emplacement provisoire a été envisagé : à Caluire. Après quelques mois, l'accord oral aurait été donné.

Les deux directeurs du Razzle procèdent alors aux premières embauches de leur équipe, établissent une programmation, louent des bureaux, partent à la rencontre des acteurs culturels locaux. L'accueil est enthousiaste. Mais le courrier officiel fini par arriver après plusieurs semaines et surprise : l'emplacement fluvial est soumis à un appel d'offres qui n'est même pas encore rédigé... Seule solution : que la mairie de Caluire donne son accord et affirme désirer ce projet. Nouveau branle-bas de combat : nous sommes en décembre dernier. Le 23 décembre, trois jours après avoir été reçus au cabinet du maire, l'avis des élus tombe : négatif. Officiellement, le manque de parkings et l'éloignement par rapport au public visé sont opposés à l'équipe. Officieusement, il se dit aussi que la mairie de Caluire aurait peu goûté d'avoir à régler en urgence une situation laissée en jachère par la Métropole.

Aucun des soutiens du Razzle, persuadés du bien-fondé de ce projet créateur d'emploi, financé sans aucune subvention, porteur d'une offre culturelle alléchante, n'a réussi à infléchir le cours des choses jusque-là. Aujourd'hui, ce sont les artistes qui s'y essayent : une pétition a été lancée à l'initiative de Sacha Mambo. C'est le dernier recours pour un lieu qui a annoncé à ses équipes la fin de leur contrat (ces derniers ont décidé de continuer à travailler bénévolement jusqu'à fin février), a posé le préavis de ses bureaux, et commence à regarder la possibilité de se replier ailleurs.

Le Razzle


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