Makala

de Emmanuel Gras (Fr, 1h36) avec Kabwita Kasongo, Lydie Kasongo…


Kabwita bâtit sa maison. Afin d'acheter les tôles destinées à recouvrir le toit, il entreprend de fabriquer du charbon qu'il ira vendre sur le marché de Kowelzi. Alors s'engage un très long processus : coupe du bois, calcination, acheminement “à dos d'homme” et cycle de lourds sacs…

Dûment récompensé par le Prix de la Critique sur la Croisette, ce film oscille — sans avoir vocation à trancher, d'ailleurs — entre documentaire et fiction ; flirte parfois avec le suspense pour s'achever par une envolée mystique. Captivant par sa pure élégance formelle, avec ses plans enveloppants (voire caressants), Makala est un film quasi marxiste, dans la mesure où il matérialise toutes les étapes de la production d'un — très exigu — capital, conquis par un forçat de la terre. Emmanuel Gras saisit du labeur l'abrutissante mécanique hypnotique, l'ingratitude de la rétribution, comme il montre l'aisance des intermédiaires ou le racket ordinaire opéré par les forces de l'ordre.

D'aucuns pourraient se gausser devant la croisade dérisoire de Kabwita, arguant qu'il ne se passe pas grand chose. Bien au contraire : on assiste ici à un récit épique ; celui d'un Sisyphe contemporain déplaçant des montagnes. La musique de Gaspar Claus ne manque pas de manifester toute sa gravité respectueuse pour ce héros si discret.


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