Nicolas Piccato : « il y a une création de valeur dans la culture, mais elle n'est toujours pas reconnue »

Alors que va débuter la 17e édition de Lyon BD Festival, rencontre avec le nouveau directeur, Nicolas Piccato. L'occasion de dresser un état des lieux de cette institution culturelle d'envergure et de parler de l'avenir.


Vous êtes le successeur de Mathieu Diez mais aussi un visage nouveau dans le paysage culturel lyonnais. Comment vous-êtes vous retrouvé à candidater à ce poste ?
Nicolas Piccato : Tout a commencé lorsque je travaillais au Canada comme attaché audiovisuel et culturel. Il y a quelques années, de passage à Lyon pour Nuits sonores, j'ai eu l'occasion de rencontrer Mathieu Diez. Il m'a parlé de Lyon BD et j'ai trouvé cette institution vraiment géniale ! Alors, de retour au Canada, on a décidé de prendre l'exposition Héro(ïne)s que j'ai adoré, pour la traduire en anglais et ajouter des auteurs. Ensuite, nous l'avons fait circuler avec l'Alliance Française d'Ottawa. Elle circule aujourd'hui encore au Canada, c'est génial !

Ma mission s'est terminée en août 2021 et je souhaitais revenir en France avec ma famille. Lyon était un choix, j'y ai passé quelques années lorsque j'étais étudiant à l'EM Lyon, et j'étais attiré par son incroyable foisonnement culturel. Dans le même temps, j'apprends le départ de Mathieu, alors j'ai tenté ma chance, et me voilà ! J'ai pris mes fonctions en septembre dernier. Nous n'avons pas pu faire de transition physique mais je suis régulièrement en contact avec lui.

Dans votre histoire personnelle, quelle place tient la bande dessinée ?
Depuis tout petit, j'adore la BD. Mais je ne suis pas un professionnel. J'ai grandi à l'étranger avec des BD internationales, les Franco-Belges ou encore Mafalda de Quino, d'autant que j'ai grandi en Italie, le pays de la BD !

Réussir à vous intégrer à ce barnum délirant qui fonctionnait jusqu'alors avec l'équipe fondatrice n'a pas dû être évident...
Il y a eu beaucoup de départs parmi les anciens et en même temps que Mathieu. Certains souhaitaient voir de nouveaux horizons et les difficultés de la crise sanitaire étaient passées par là. Il a fallu dès mon arrivée procéder à une vague de recrutement, pas évident quand on ne connaît pas l'équipe. Un ajustement a été nécessaire pour que l'on apprenne tous à se connaître. Aujourd'hui, je suis satisfait car nous sommes une très bonne équipe et il y a une super ambiance.

Réussir un festival post-pandémie

Cette 17e édition de Lyon BD Festival sera la première avec vous aux commandes.  Retrouverons-nous l'ADN connu des habitués ?
Dès mon arrivée, je me suis mis dans les pas de Mathieu et dans la ligne des valeurs de Lyon BD qui sont : la rémunération des auteurs, le décloisonnement de la BD et l'organisation du festival, l'ensemble dans la convivialité bien sûr ! Le défi était de réussir un festival post-pandémie, heureusement le bureau m'a accompagné merveilleusement sur ce chemin.

Le décloisonnement passe par le partage culturel international que l'on accentue cette année grâce à nos divers contacts. On a la chance de recevoir notamment Ralf König, mais aussi le numéro 1 de la BD italienne, Zerocalcare, ou la star des Pays-Bas, Aimée de Jongh. Chacun aura notamment son exposition pour que le public découvre l'auteur mais aussi son travail. On aura aussi une exposition des auteurs de Myanmar (ancienne Birmanie) exfiltrés par l'Ambassade de France et à Lyon depuis janvier.

La rémunération des auteurs est un point important pour Lyon BD. Vous participez à une expérimentation sur deux ans permettant de les rétribuer pour leur participation au festival. Allez-vous faire perdurer ce dispositif ?
L'expérimentation est menée par la SOFIA et le CNL et c'est un grand pas de fait avec les maisons d'éditions qui ont accepté de jouer le jeu. Elle donnera lieu à une réflexion afin de trouver un équilibre convenant à tous et surtout aux auteurs, mais évidemment l'idée est de poursuivre. Je suis admiratif du travail de la SOFIA et nous, nous sommes ravis de participer.

Les baisses de subvention décidées par la Région auront-elles un impact pour vous?
Du côté financier, Lyon BD à la chance d'être à l'équilibre. Nous sommes obligés aujourd'hui de chercher des subventions d'autres institutions et aussi du financement privé au vu de l'ampleur qu'a pris le festival. Un point anticipé par Mathieu Diez. Pour ma part, dans la diplomatie culturelle et internationale, je suis malheureusement habitué à voir beaucoup de baisse... Il y a une création de valeur dans la culture, mais elle n'est toujours pas reconnue, dommage car c'est un véritable modèle de partage. Toutefois, le tissu culturel est dense alors on reste positif pour la suite !

S'inscrire dans la durée

Avec l'installation prochaine dans l'ancien Collège Truffaut, Lyon BD s'inscrit dans un développement durable et permanent ayant vocation à être plus qu'un festival.
Depuis quelques années, Lyon BD a des activités tout au long de l'année, des interventions dans des écoles, des hôpitaux, des boîtes privées... L'ambition avec ce projet est d'avoir un lieu pérenne qui deviendra un lieu de rendez-vous pour tous ceux qui souhaitent parler BD. 

À la clé de cet investissement, il y a d'abord les salles Plurielles qui seront des salles destinées aux associations de quartier entre autres, dont nous assurerons la programmation trois fois par an. Il y aura également un lieu d'exposition, bien sûr ! Et les ateliers d'artistes dits Ateliers Graphiques, avec notamment la présence de l'Épicerie Séquentielle, partenaire historique de Lyon BD. On trouvera aussi des auteurs émergents et des résidents à l'international venant travailler pour une durée de deux semaines à six mois. On achève cette pyramide : création, transmission, et diffusion pour s'inscrire dans la durée.

Mathieu Diez disait à propos de son successeur qu'il devra « apporter sa vision, qui sera nécessairement différente » de la sienne. Alors, votre vision à vous c'est quoi ?
J'aimerais attendre cette édition du festival pour m'inscrire dans une dynamique et pouvoir parler de ma vision. Des orientations se dégagent déjà sur l'importance de la visibilité des œuvres et des artistes internationaux. Je m'engage à donner ma vision après le festival : affaire à suivre...

Lyon BD Festival
En différents lieux de Lyon les samedi 12 et dimanche 13 juin
Tout le mois de juin pour le off
Réservation et billeterie ici


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