Astéréotypie : trouble du spectre rockistique

Collectif musical né d'ateliers d'écriture dans un IME, Astéréotypie est devenu l'un des projets les plus enthousiasmants et sauvages du rock français. Une véritable claque discographique et scénique qui doit autant au charisme de ses chanteurs autistes qu'à leurs textes flamboyants. 


C'est sans doute la chose la plus rock, la plus punk et la plus atypique qu'il nous a été donné d'entendre depuis longtemps. Une musique sauvage, sidérurgique, au bord de l'explosion (et parfois plus qu'au bord) au service de textes oniriques et rageurs. C'est Astéréotypie, l'une des sensations du rock français de ces derniers mois, auteur de l'album Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme. Et dont la particularité est de placer l'autisme sur la carte du rock. Pour qu'il dégomme tout le paysage.

Tout part, il y a bien longtemps en 2010, d'un atelier d'écriture dispensé à quelques jeunes atteints de troubles du spectre autistique par Christophe Lhuillier, éducateur et musicien. De là naît de la poésie. Une musique se pose par-dessus, calme au départ, illustrative, puis de plus en plus vénère, rageuse, quand il s'agit de se mettre au diapason du charisme de ses auteurs-interprètes. De là naît un collectif. Pas forcément très bien accueilli dans le monde du handicap, comme le raconte souvent Christophe Lhuillier. Paradoxalement, sa notoriété et le respect qui va avec, Astéréotypie les gagne d'abord dans le milieu "ordinaire", ainsi que le nomme Christophe. Celui-là même qui est habituellement le plus prompt à ne pas comprendre et/ou accepter la différence.

20 euros

Le groupe est constitué à moitié de musiciens professionnels, dont Arthur B. Gillette et Éric Tafani du groupe folk Moriarty, et de jeunes autistes, dont la bête de scène Yohann Goetzmann, l'impressionnant Stanislas Carmont, déclameur en chef (le timbre de Depardieu, enfermé et libéré par un jeune homme au phrasé très vieille France), grand maître d'un absurde bien à lui et auteur de textes délirants sur un billet de 20€ (20 euros), ou ce qui le met en colère (Colère sur le disque précédent, L'énergie positive des Dieux).

C'est à Claire Ottaway, fan de musique classique et de Céline Dion, que l'on doit Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, titre qui donne son nom au dernier album, largement acclamé, et se livre à un jeu des sosies. Du fait d'être le produit d'auteurs autistes, les textes d'Astéréotypie déroulent une sensibilité, une colère et un humour en parfait décalage avec ce que l'on peut entendre dans le paysage rock (on peut néanmoins voir un léger cousinage avec les slogans néo-situ d'un Diabologum). Créant par là une friction avec notre approche convenue des choses, qui fait des étincelles et ouvre des portes de perception. Et probablement change l'axe du regard porté sur la particularité de ces interprètes neuro-atypique qui nous montrent avant tout ce qu'ils ont en plus. Et qui nourrit cet art brut musical et textuel.

Astéréotypie
À L'Épicerie Moderne le vendredi 7 avril


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