J'ai rencontré le Diable

Confirmant son statut de suiveur dans le cinéma sud-coréen, Kim Jee-woon tente d’épuiser le genre du film de vengeance par une surenchère de sadisme et de virtuosité. Christophe Chabert

À côté des vrais maîtres que sont Bong Joon-ho, Park Chan-wook ou Na Hong-jin (son Murderer, à sortir dans deux semaines, le confirmera avec éclat), Kim Jee-woon a toujours semblé à la traîne de ce renouveau du cinéma en Corée du Sud. Même son meilleur film, le polar A bittersweet life, peinait à convaincre au-delà de l’exercice de style brillant et maîtrisé. J’ai rencontré le diable est, dans le fond, du même acabit : impossible de ne pas reconnaître un grand talent derrière la caméra, mais difficile aussi d’y déceler un regard personnel sur ce qu’il filme. Il faut dire que cette œuvre extrêmement violente, sinon jusqu’auboutiste (y compris dans sa longueur, près de 2h30 !) passe après Old boy, The Chaser, Memories of murder ou même l’inédit Bedevilled, et cherche absolument la comparaison : dans tous les cas, il s’agit de tisser un récit de vengeance où le sadisme et la cruauté sont les moteurs principaux de l’action.

Sang pour sang

Dans un premier temps, l’élégance qu’imprime Kim Jee-woon a ses séquences fait illusion. Et lorsque le principe du récit est lancé (un garde du corps se venge du meurtre de sa fiancée en traquant l’assassin, non pour le tuer, mais pour lui faire subir des sévices graduellement atroces), J’ai rencontré le diable possède sa petite originalité. Mais assez vite, le film ne tient plus que par ses morceaux de bravoure, sa virtuosité et, plus problématique, la surenchère de violence qu’il impose au spectateur. Sur ce point, il ne faut pas longtemps pour constater que Kim Jee-woon n’a guère de point de vue moral sur ce qu’il montre : confondant jouissance de la mise en scène et plaisir pervers à déverser des hectolitres de sang sur l’écran, il s’installe dans un scénario qui applique son programme sans jamais chercher à y apposer une vision du monde sinon celle, éculée, d’une société absurde fondée sur une justice arbitraire. On se sent alors constamment tiraillé entre deux sentiments : le désir de se laisser emporter par un spectacle orchestré de main de maître (il y a au moins trois grands moments dans le film : le meurtre dans la voiture, l’irruption chez les complices du serial killer et la reddition du tueur qui se transforme en chaos urbain) et l’envie de renvoyer le cinéaste à son ambition, à savoir tuer un genre qui ne lui a rien demandé. Cette prétention de lui donner son œuvre définitive avant d’aller s’attaquer avec opportunisme à un nouveau territoire cinématographique est définitivement la marque d’un suiveur, pas d’un auteur.

J’ai rencontré le diable
De Kim Jee-woon (Corée du Sud, 2h22) avec Lee Byung-hun, Choi Min-sik…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 25 novembre 2013 Grande idée de l’Institut Lumière que de proposer pour cette fin d’année un digest du nouveau cinéma de genre sud-coréen, qui a produit un nombre important de (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X