Le Fort de Gamut, un cluster de création

Résidence Artistique / Là-haut, perché sur la colline de Fourvière, existe un ancien fort militaire où artistes et animaux cohabitent à l’abri des regards. Situé à deux pas du Jardin des Curiosités, le Fort de Saint-Just, renommé par ses actuels occupants Fort de Gamut, abrite désormais l’association éponyme qui œuvre au soutient de projets artistiques. Visite.

C’est le bouc, Stanley, qui nous guide à l’aide de ses plus belles vocalises jusqu’à la porte d’entrée. Dès l’arrivée, le panorama est à couper le souffle. À moins que ce ne soit les 200 marches de la montée des Épies qu’il nous a fallu gravir avant d’arriver... Ce lieu se mérite !

Le temps de reprendre notre souffle, et Victor Boucon, artiste plasticien en résidence, nous emmène en visite. Il dispose d’un espace de création depuis plusieurs mois : « ici, je suis sûr de pouvoir forger, souder et faire du bruit sans déranger les voisins, c’est un vrai terrain de jeu pour artistes. » Pour accéder à son atelier, il faut s’enfoncer dans une aile défensive du bâtiment, semi-enterrée, que les résidents appellent « les catacombes ». Ici, Victor travaille surtout le métal. Parmi ses créations en cours : une épée de type médiévale ou un couteau, posés sur la forge qu’il a imaginée et construite seul.

À Gamut, on peint, sculpte, photographie, chante, forge, soude, écrit, et on partage l’extérieur avec les quatre poules, le bouc et les béliers. « Le bouc, on le surnomme Stanley Lubrique, il a parfois un comportement douteux… il a fallu qu’on lui coupe les cornes, et maintenant, il boude. » Véritable fourmilière créative où chaque endroit est investit sans être dénaturé, Gamut se définit poétiquement comme un « cluster d’une création, qui même masquée ne s’essouffle pas ».

Des résidences quasi sur-mesure

Environ une dizaine d’artistes et de collectifs travaillent quotidiennement dans ce fort aux allures de colonie de vacances. Plusieurs types de résidences sont proposées. Lola Carrel ancienne chargée des résidences aux Halles du Faubourg, s’occupe maintenant des artistes à Gamut.

« La durée des cycles ici varie. Il y a plusieurs formats selon les besoins et disponibilités. Si l’artiste a un projet thématique, souvent assez court, ce sont des résidences de deux mois. Par contre, certains projets qu’on appelle "libres" consistent en une mise à disposition d’un espace de travail pendant trois mois, renouvelable une fois. On a aussi un format pour les collectifs comme en ce moment avec l’asso Loxia Socia. Ce sont des architectes qui travaillent sur le réemploi, ils sont ici depuis un an. »

La résidence en elle-même ne coûte rien. Pour l’occupation du lieu, l’artiste s’acquitte uniquement des charges qui permettent de faire fonctionner le fort. Elles sont estimées à 100€ par résident et par mois. « Notre idée était que le fort s’auto-suffise et que la mise à disposition soit en dessous des prix du marché pour permettre une accessibilité plus juste » précise Fati. « Pour générer un peu de trésorerie, on organise des actions et on intervient sur des projets artistiques notamment avec les acteurs du 5e arrondissement. Cela permet aussi de rémunérer les artistes qui interviennent sur ces projets-là. »

Parmi ces actions : des ateliers avec les enfants du Centre Social de Saint-Just, la gestion d’un stand pour la Journée Sans Voiture à la demande de la mairie du 5e durant laquelle Bélonie Ovize, Fati et L'une Croûte (alias Ludovic Bouillot) ont réalisé une fresque participative avec les enfants du quartier…

Une seconde vie pour le fort

Ancien fort militaire, Saint-Just fût très vite démilitarisé et légué aux Voies Navigables de France (VNF) qui en eurent surtout une utilité de stockage. Il fût ensuite occupé par un gardien pendant plusieurs années avant d’être laissé à l’abandon. Et squatté pendant deux ans. L’association Ateliers La Mouche qui occupe un espace à Gamut s’affaire justement depuis plusieurs mois à réunir les pièces du puzzle qui fait l’histoire du fort. Un projet minutieux de recherches documentaires, d’archives et de témoignages qui permettront prochainement de reconstituer les annales du lieu.

La rencontre en 2018 de l’association avec les VNF fait naître la réflexion sur un projet artistique pour la revitalisation du fort de Saint-Just. Il faudra plus d’un an de négociations pour signer la convention d’occupation temporaire du lieu. Clés en main, c’est en juillet 2019 que les deux co-présidentes Fati Ghamizi et Marilou Mortel débutent l’aventure Gamut et que les premiers ateliers d’artistes voient le jour.

C’est un fort tout en long, où il fait agréablement frais. On y accède par un portail discret, à l’entrée du Jardin des Curiosités. Une terrasse en terre battue, un poulailler, et un jardin partagé pour parfaire l’illusion d’un dépaysement total. À l’intérieur, un escalier unique dessert deux étages qui offrent au total 400m2 d’espace de création. À mesure que l’on franchit les portes voutées du bâtiment, on déambule d’atelier en atelier pour constater la pluralité des disciplines exercées : arts plastiques et numériques, spectacle vivant, musique… Les ateliers sont communicants ; chacun pourvu d’une petite fenêtre offrant une lumière naturelle toute la journée.

« On ne peut évidemment pas accueillir de grand public dans cette vieillie bâtisse. Pour le moment en termes de normes d’accueil du public festif ou événementiel on est très très loin. Par contre, on peut organiser ponctuellement et de façon très structurée des visites ou des ateliers en petit groupe. Bien sûr, à plus long terme on adorerait s’ouvrir au public — ce serait l’étape suivante, mais ce n’est pas pour tout de suite. »

Gamut entretient un lien fort avec la structure Chromatique, lieu de culture hybride dans le 7e arrondissement, qui lui permet d’agir hors les murs et de proposer ponctuellement une programmation grand public à l’occasion d’expositions thématiques. Ainsi, si ce n’est pas encore envisageable au fort, les résidents sont invités à descendre la colline et venir exposer leur travail en sortie de résidence à Chromatique. Une vitrine nécessaire pour assurer la visibilité de l’activité et valoriser le travail des artistes.

« Il est important aussi de citer tous les bénévoles qui font vivre cette partie événementielle et plus largement l’association. La structure est composée d’un CA de six personnes, mais nous avions vraiment à cœur que les décisions soient prises collégialement avec tous les adhérents de l’asso. En tout, nous sommes une quarantaine de personnes à œuvrer à la gestion de Gamut, entre artistes et membres actifs. »

Des espaces inexploités

Si le rythme est évidemment ralenti depuis la crise sanitaire, les activités de résidences se sont jusqu’ici toujours maintenues. « C’est une bonne chose que notre modèle ne soit pas basé sur des activités à destination du public, cela nous a permis d’être moins affectés par la crise et de continuer à accueillir des artistes pour travailler ensemble » se réjouit Fati.

Plusieurs espaces sont encore inexploités : on note parmi eux la salle d’une des ailes du fort que l’équipe est en train d’insonoriser et de réhabiliter en studio de musique. Le but est d’investir chaque espace en conservant sa nature et son identité. L’équipe voit grand et ne cesse d’imaginer de nouvelles configurations pour accueillir encore plus d’artistes et de disciplines. Pour les travaux, tout le monde s’y colle, à hauteur de son temps et de ses compétences…

La visite s’achève par un concert improvisé dehors, à la guitare, et un câlin à Mireille. Mireille, la petite poule. Il n’en fallait pas plus pour nous séduire.

Fort de Gamut
Place de l'Abbé Larue, Lyon 5e

Gamut ouvre une nouvelle vague d’appel à résidence jusqu’au 24 avril. Toutes les infos sur asso-gamut.com ou sur les réseaux @AssoGamut

Vous pouvez également candidater de façon spontanée, toute l'année sur asso-gamut.com

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