Le MAM s'interroge sur son temps…

Le musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole nous offre en ce moment pas moins de 6 expositions, et ce jusqu’au mois de février —ou fin août pour l’exposition de la collection— dont une première dans une institution française pour l’artiste russe Andrei Molodkin.

Le musée a choisi cette saison de mettre en avant des artistes d’Europe Centrale et Europe de l’Est, ou de présenter la scène roumaine par le biais d’une exposition collective. En pénétrant dans l’espace muséal, les volumes du bâtiment s’effacent pour laisser le champ libre aux œuvres exposées, deux pièces monumentales installées dans des salles parallèles : la sculpture From the Entropic Library de Oldenburg Claes et Van Bruggen Cossje, telle des restes quasi archéologiques de livres et carnets démesurés, telle une bibliothèque explosée au bord de l’effondrementet laComposition en quatre couleurs, détail, installation picturale évoquant la peinture abstraite, réalisée pour le musée par Bertrand Lavier, aux dimensions « hors -normes ». 

Issue de la collection permanente, l’exposition Monumental ? présente la problématique, comme son nom l’indique, de la monumentalité à travers l’histoire de l’art, des cubistes à nos jours.

Dans une perspective classique, la notion de monumentalité était autrefois réservée à l’exercice du pouvoir : religieux, politique voire industriel. La modernité n’a cessé de la questionner, d’étudier, de renverser et de s’approprier l’expression de ces démesures. Cette question est abordée à travers la fragilité simulée de la pièce massive Clear Glass Stack constituée d’empilement d’objets en verre industrialisés de l’artiste britannique Tony Cragg ou encore Attraverso la rete, lui e lei, miroir sérigraphié hyper-réaliste de l’artiste italien Michelangelo Pistoletto qui vient troubler et questionner notre regard, notre perception des choses et de l’espace qui nous entoure.

La monumentalité nous guide vers les toiles imposantes et réalistes de l’artiste hongrois Laszlo Fehér, explorant des sujets quotidiens avec une certaine froideur renforcée par le noir dominant, puissant et vibrant, de sa palette. Il s'agit là de peintures issues du récent travail de Fehér, qui explore son environnement direct, avec par exemple la série de portraits sur des sans-abris occupants un parc en bas de chez lui, qu’il explique : "Ces tableaux qui agrandissent et rendent spectaculaires des sans-abris constituent une sorte de présentation symptomatique de la réalité de la société postsocialiste en Hongrie, montrant nos problèmes "ici et maintenant" ".

Se côtoient des auto-portraits et des toiles plus anciennes dans lesquelles des silhouettes comme fantomatiques sont intégrées à des paysages fixes : l’effacement de l’homme, le côté fugace de la vie face à une nature constante. 

Cette réflexion sur l’environnement est partagée avec l’artiste autrichien Lois Weinberger. Le premier mot qui vient à l’esprit en entrant dans la première salle qui lui est consacrée est "végétal". La scénographie, aux allures de laboratoire,  donne la sensation d’entrer directement dans l’atelier de l’artiste, de pénétrer son univers.

L’inscription du travail de l’artiste dans son environnement, la société, le contexte dans lequel il évolue, se poursuit par l’exposition collective d’artistes roumains, inscrite dans un cycle d’échanges internationaux réguliers organisés par le musée en partenariat avec l’association Apollonia. Elle se traduit par la présentation de séries de photographies et vidéos traduisant l’évolution d’une société post-socialiste en pleine occidentalisation.

A l’étage on pourra apprécier les dessins grands formats d’Andrei Molodkin, comme l’impressionnant labeur marquant son idéologie, son engagement politico-artistique et la place de l’art qu’il définit lui même par ce mots : "l'art peut changer la société (…) C'est le combat entre le pot de terre et le pot de fer. Il faut s'engager."

Une visite riche presque trop dense pour la réaliser en seule fois.

Cependant, cette diversité reste parfaitement cohérente. Le musée d’Art Moderne Saint-Étienne propose une réflexion sur notre société, la place de l’homme, des artistes, de l’engagement et notre impact sur le monde et la nature, le tout soutenu par l’histoire de l’art. L’occasion en ces temps de bonnes résolutions, et l’entrée dans une nouvelle année de nous re-situer et pourquoi pas de vivre avec son temps, à l'image de la collectionneuse et mécène Vicky Rémy, dont l’hommage que lui a rendu le musée s’est achevé le 31 décembre.

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Expos...

Mardi 26 avril 2022 En pleine renaissance, le monde de la passementerie, du tressage et de la rubanerie a largement bénéficié de la recherche et de (...)
Mercredi 13 avril 2022 Le photographe Maxence Rifflet présente au Bleu du Ciel un travail particulièrement délicat et intelligent, réalisé dans sept prisons françaises, en étroite collaboration avec les détenus.
Mercredi 6 avril 2022 Le thème : Bifurcations. La promesse : quatre mois de grande fête autour du design, à laquelle tous les Stéphanois pourraient prendre part. Les questions : la biennale Design sera-t-elle accessible à tous les publics, suffisamment...
Mardi 29 mars 2022 Des dernières Biennales Design stéphanoises aux salons du Conseil de l’Union Européenne à Bruxelles, la créatrice textile Jeanne Goutelle marque peu à peu de son empreinte colorée et responsable une œuvre où le réemploi de tissus industriels permet...
Lundi 28 mars 2022 Désormais habillée de couleurs acidulées, Saint-Etienne joue à fond la carte « design » qu’elle revendique par-delà ses frontières. Dans l’espace public pourtant, le design permet surtout des transformations moins perceptibles mais dont le...
Mardi 29 mars 2022 Durant les quatre mois qui vont suivre, la Biennale Design de Saint-Étienne nous invite à « bifurquer ». Envisager la société telle qu’elle est, l’envisager ensuite telle que l’on aimerait qu’elle soit… Puis envisager les chemins possibles...
Mardi 29 mars 2022 L’exposition Espacements réunit quatre jeunes artistes issus de l’ESADSE. Les deux premiers, Chloé Pechoultres et Antoine Salle, diplomés (...)
Jeudi 17 mars 2022 Enfant terrible du monde de la photographie, William Klein n’a eu de cesse d’en bousculer les codes et les pudeurs. Jetant son corps dans la bataille du réel, ses images en conservent l’énergie, la violence, la vie. Retour sur les apports et le...
Mercredi 9 mars 2022 Mars arrive et la création contemporaine repart dans les musées et les galeries avec quelques belles affiches : William Klein, Christian Lhopital, Tania Mouraud, Thameur Mejri…
Mardi 1 mars 2022 L’exposition J'irai éclairer leurs images présente le travail quatre artistes dont le recours à la photographie est un moyen d'expérimenter des formes d'expression inédites. 
Mardi 1 mars 2022 Dans sa boutique-atelier nichée sous l’Hôtel de Ville, la sérigraphiste Delphine Chapuis propose une exposition collective d'estampes mettant à l’honneur la taille d’épargne, une technique archaïque de gravure sur bois.
Mardi 1 février 2022 Les champs de la photographie sont si vastes que le huitième art ne cesse d’inspirer ceux qui s’y frottent. Détournant les figurines en plastique de (...)
Mardi 1 février 2022 L’atelier-musée La Maison du Passementier accueille pour deux mois encore l’exposition Roadscapes de Maxime Crozet. Le photographe-voyageur (...)
Mardi 1 février 2022 Formé à l'école stéphanoise des Beaux-Arts au milieu des années 90, Moko Vey a repris les pinceaux en 2015 après 10 années passées dans le domaine audiovisuel. (...)
Mardi 1 février 2022 Vous l’avez sans doute déjà aperçue devant la Bourse du Travail, exposant ses créations : discrète et tout sourire, Anne Lordey est une artiste sensible à (...)
Mardi 4 janvier 2022 Remarquable, passionnante et très complète exposition que Sur la piste des Sioux proposée par le Musée des Confluences et portée par une sublime collection d'objets. Plongée terrible et magnifique dans la construction de cet Indien imaginaire qui...
Lundi 3 janvier 2022 Depuis sa création en 2006, la p’tite entreprise de François Ceysson et Loïc Bénétière ne connait pas la crise : avec des galeries à Lyon, Paris, Genève, Luxembourg et New York, la nouvelle adresse stéphanoise apparait aujourd’hui comme le véritable...
Lundi 3 janvier 2022 Absolument imprévisible et vaguement waterproof, le MUR stéphanois continue de surprendre le passant dès le premier samedi de (...)
Lundi 3 janvier 2022 Encore une chouette occasion de passer chez TAG : la galerie accueille une série d’œuvres récentes de Catherine (...)
Mardi 30 novembre 2021 Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne Métropole présente actuellement une nouvelle expo dédiée à la donation récente du couple de galeristes Durand-Dessert, qui entre en dialogue avec la collection du musée.
Mardi 30 novembre 2021 Le MUR stéphanois n’en finit pas de s’offrir à tous les regards, avec déjà plus de 100 collages au (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X