Bertrand Belin : " je ne fais pas les choses en fonction de l'air du temps"

Interview / Des textes minimalistes mais ô combien poétiques efficaces, un timbre singulier, un dernier album aux rythmes synthétiques et dansants... A quelques jours de son passage sur le festival PAroles et Musiques, rencontre avec Bertrand Belin.

Dans votre dernier album, on trouve des sonorités plus synthétiques que ce à quoi vous nous aviez habitués. Vous êtes inspiré par l’air du temps ?

Oui oui, j’ai toujours été très à la mode ! (rires). Pour être plus sérieux, les synthés pointaient déjà le bout de leur museau dans les albums précédents, et je ne fais pas les choses en fonction de l’air du temps. Plutôt en fonction du plaisir que cela peut me procurer, je cherche à créer des musiques qui aillent bien à mes chansons. Je mets du temps à me satisfaire d’un son : je tourne autour, je tâtonne… Je trouve d’ailleurs que les synthés sont capables d’émouvoir autant que d’autres instruments, ils peuvent prendre une dimension solaire, ou nocturne, en fonction de la manière dont on les emploie…

Et vos textes, justement, ils jaillissent dans votre cerveau, où vous les construisiez pas à pas ?

Les paroles me viennent au fil de la plume. Elles sont celles qui reflètent ma façon d’être au monde.

Votre formule d’écriture, c’est dîtes-vous, "un minimum de mots pour un maximum d’effets"… Et ça fonctionne plutôt bien, d’ailleurs. Mais n’avez-vous pas peur qu’avec un minimum de mots, l’on interprète mal ce que vous vouliez dire ?

Peu importe, en fait, ce qui va advenir de mes chansons, je ne prétends pas que je vais tomber juste en les écrivant. Je ne sais pas ce que les autres vont en comprendre. Si certains sont en accord avec ce que je fais, s’ils trouvent des correspondances, alors, tant mieux, j’en suis très heureux, parce que je fais aussi ça pour communiquer avec les autres. Ce n’est pas juste un plaisir jaloux ! Par contre, il est vrai que ma manière d’écrire ne correspond pas à un récit classique. Cela se place à un autre endroit. Le chant le permet, la musique permet cette liberté. Cela fait sans doute sens chez certaines personnes, moins chez d’autres, voire, pas du tout, mais l’important pour moi est que cela dessine une humeur.  

Cette manière d’écrire est malgré tout assez singulière, d’autant que nous vivons une époque faite de ribambelles de mots, parfois employés à tort et à travers. C’est votre manière à vous de répondre au brouhaha du monde ?

Ce n’est pas consciemment une réponse. C’est plutôt quelque chose qui exprime ma nature. D’ailleurs, je ne sais pas si j’ai une nature, mais en tout cas, une humeur. Ce que je sais, c’est que j’ai un besoin viscéral de compréhension du monde, en revanche, je n’ai aucune certitude. Heureusement d’ailleurs qu’on ne me confie pas de grandes décisions à prendre, car, avec l’incertitude comme moteur, on ne construit pas grand-chose.

D’album en album, vous aimez peindre des paradoxes et des contraires. On a le sentiment que c’est un peu votre fil rouge artistique…

Oui, complètement. Les contraires, l’oscillation, la polarité… Ce sont des choses qui m’intéressent beaucoup. Parce que c’est le débat. Et c’est le propre du langage, aussi. Il se pare de couleurs, avec des différences en fonction des lieux et des époques. Finalement, on ne peut faire qu’une confiance modérée au langage, mais à la fois, on n’a pas beaucoup d’autres choix pour communiquer, hormis l’art. Le langage est en lui-même une matière faite de contrastes, et ça, ça m’attire beaucoup.

L’acceptation de l’oscillation, de la dualité n’est pas forcément une évidence aujourd’hui. Notre monde nous pousse à avoir des certitudes justement, à avoir un avis, il faut être pour ou être contre, pas les deux en même temps…

Moi, je me reconnais dans cette humeur là… Mais encore une fois, je crois qu’elle n’est pas applicable à tous les endroits de la société. Dans certains métiers, il faut savoir décider, et décider vite. Je crois donc que ça vaut le coup de rappeler que le doute, l’incertitude et la dualité sont possibles, mais je ne prêche pas du tout pour que cela devienne un fonctionnement généralisé. Simplement, je suis moi-même spectateur de ma propre bêtise, je ne me considère pas du tout comme un sage au prétexte que j’ai conscience des paradoxes : je sens juste nerveusement l’expérience des contraires en moi. Je ne suis pas un vertueux qui aurait compris quelque chose, mais un passager.

Vous serez à Saint-Étienne le 22 mai, pour un passage dans le cadre du festival Paroles et Musiques. Vous y êtes venu plusieurs fois déjà. Ce live sera dans la même veine que les précédents, ou doit-on s’attendre à des surprises ?

Il faut s’attendre à quelque chose de différent. J’invite les spectateurs à avoir la curiosité de venir voir les concerts de ce festival, moi-même, j’espère avoir l’occasion d’en voir.

 

Bertrand Belin, le 22 mai à la Comète, dans le cadre du festival Paroles et Musiques.

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