Un collectif qui a du chien

Né il y a 6 ans, le collectif X réinvente de nouvelles formes théâtrales en multipliant les projets participatifs.


Pour la plupart, ils se sont connus sur le plateau de l'Ecole de la Comédie, il y a une dizaine d'années. Diplômés en 2012, et conscients des difficultés à venir pour les tout-jeunes comédiens qu'ils sont alors, ils fondent le Collectif X l'année suivante, à Saint-Étienne. Un regroupement qui résulte notamment d'une bonne entente entre eux… Mais pas que. « Ensemble, on est plus forts », pourrait être leur devise. Bien plus en effet que « tout il le monde est beau, tout il le monde est gentil ».

« Il ne s'agit pas juste d'une bande de potes qui s'entendaient bien à l'école et qui du coup, ont décidé de faire quelque chose ensemble après, précise Arthur Fourcade, l'un des membres fondateurs. Oui, quelque chose s'est effectivement passé entre nous, lorsqu'on était élèves à la Comédie. Mais il s'agit finalement davantage d'une histoire de solidarité face à une situation précaire. Durant notre scolarité, alors que l'on connaissait une période de remous, nous avons compris que nous devions resserrer nos liens, et prendre soin les uns des autres pour nous en sortir et réussir malgré les aléas. Tout ceci fait que le collectif regroupe des gens qui pour certains ne se ressemblent pas du tout, notamment parce qu'ils ont tous des esthétiques très différentes. »

Cet hétéroclisme, le collectif en a fait aujourd'hui une véritable force. Alors qu'il regroupait, à ses origines, 10 comédiens et trois techniciens sortis de l'Ensatt [École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, NDLR], ce dernier se compose actuellement d'un noyau de 12 artistes, techniciens ou auteurs, parfois rejoints par d'autres, en fonction des projets. Et des projets… Il y en a. À la pelle. Plusieurs, voient même le jour chaque année. C'est d'ailleurs l'une des marques de fabrique du collectif. À chaque fois, le processus de fabrication démarre de la même manière : à la suite d'une première phase de travail, chacun d'entre eux est en effet soumis au comité décisionnaire par un porteur de projet, pour ensuite être mis en place dans les lieux appropriés. « Souvent, les projets naissent dans la précarité, poursuit Arthur. Ce qui compte avant tout, c'est notre esprit de recherche. Ensuite, s'opère une sorte de sélection naturelle par la forme. »

Mutualiser les moyens et les coûts

C'est de là que vient sûrement une autre spécificité du collectif, qui bouleverse les codes de ce que le théâtre évoque, depuis la nuit des temps. Ici, personne n'a de place attitrée. Le comédien d'un projet devient le metteur en scène du suivant, et ainsi de suite… « Nous sommes tous issus des métiers du théâtre, et tout le monde se prête au jeu, enchaîne Arthur. Il n'y a pas de metteur en scène attitré, mais chacun peut le devenir en portant un projet. » Cette forme originale, le comédien ne la trouve finalement pas plus étonnante que cela : « Chez les jeunes artistes du milieu du théâtre, cela se pratique de plus en plus. C'est une manière de mutualiser les moyens et les coûts, de partager les risques financiers notamment. Pour ce qui est de nous, soyons clairs : aucun de nos projets n'aurait sans doute pu voir le jour sans cette formule-là. »

À ce foisonnement, et à cette rotation des rôles, le collectif ajoute également à son arc l'expérimentation, élargissant toujours plus les contours de ce que peut être le cadre artistique. Ainsi l'équipe s'est notamment fait connaitre (et reconnaitre) avec #Villes, processus de travail participatif visant à réaliser le portrait d'une ville sous la forme d'un spectacle de théâtre. Enquête, réflexion collective sur ce qu'est le milieu urbain et plus largement, le vivre-ensemble, le projet a tout d'abord été porté par différents quartiers de Saint-Étienne, avant de s'exporter à Villeurbanne, Strasbourg, Lyon, ou encore récemment Montbrison. À chaque fois, le travail a ainsi pris la forme d'une résidence, visant à recueillir la parole des habitants quant à leur propre vision de la ville, pour ensuite la porter sur scène. Plus qu'une pièce de théâtre, #Villes se veut une démarche aussi artistique que scientifique.

Ce théâtre coopératif et vivant, le collectif le proposera de nouveau à Montbrison, en ce mois de juin, avec Seul le Chien, spectacle né au théâtre du Verso, puis monté à l'Amicale Laïque de Tardy. Une grande fête du théâtre à laquelle, une fois de plus, les amateurs auront un rôle à jouer. De même que les élèves de 5e et de 2de de la Maîtrise de la Loire. « Agnès d'Halluin, notre auteur, a réécrit l'Odysée d'Homère, explique Arthur. Il s'agit donc de l'histoire d'Ulysse, que nous voulons raconter à travers différents points de vue, avec tous ceux qui le souhaitent. Nous allons nous installer dans le quartier de Beauregard à Montbrison, et nous espérons rassembler un maximum de gens possible. » L'histoire d'un exil et d'un retour, un mythe revisité, une aventure populaire, une forme participative… Un sens du collectif.

Seul Le Chien, le 27 juin à Montbrison. Pour intégrer les répétitions publiques du quartier de Beauregard : fourcadearthur@hotmail.com


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