Kill list

La révélation d’un cinéaste anglais, Ben Wheatley, qui régénère le thriller ésotérique en le faisant reposer sur la quotidienneté de ses situations, la spontanéité des comédiens et l’apesanteur de la mise en scène. Christophe Chabert

Le cinéma de genre a depuis longtemps choisi de mettre en scène de manière extraordinaire des situations elles-mêmes extraordinaires sinon improbables, misant sur l’envie de spectacle et la suspension d’incrédulité du public. Le risque, évident, c’est la surenchère ou son corollaire, l’habitude, le cliché et la répétition. Ben Wheatley, dont Kill list est le deuxième film (Touristes !, le troisième, déjà terminé, a été présenté avec succès à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en mai dernier), choisit d’approcher les choses à front renversé. L’exposition de son intrigue n’est qu’une suite de non-événements où les protagonistes s’ébrouent dans une banalité où seul perce, au détour d’une réplique ou d’un plan, un mystère qui va peu à peu prendre le contrôle du film. Voici donc Jay et Gal, deux Anglais traînant leur ennui dans des pavillons paumés, le premier se disputant avec sa femme, le second se trouvant une énième nouvelle compagne. Ce qui les unit : leur passé d’anciens soldats devenus tueurs à gage, ayant raccroché les gants après une mission ratée à Kiev. Wheatley découpe dans leur quotidien dépressif des instants de pure vérité, partiellement improvisés par les comédiens puis assemblés dans un montage où image et son sont régulièrement désynchronisés. On pense à Terrence Malick, même si Kill list n’a sur le fond que peu de rapports avec son œuvre. Tueurs normaux Cela étant, cette approche presque expérimentale de la mise en scène ne rend que plus brutale l’irruption de l’ésotérisme à l’intérieur du film. C’est, au cours d’un repas presque cassavetesien, une jeune femme qui dessine un pentacle derrière un tableau. C’est une suite de rendez-vous avec des «commanditaires» inquiétants. Puis c’est l’exécution de cette «liste de meurtres», non seulement particulièrement sauvages, mais révélant la nature psychotique et instable de Jay. Même si le film s’enfonce dans un enfer sans retour, avec comme horizon un hommage au mythique The Wicker man (celui de Robin Hardy, par le remake pourri avec Nicolas Cage), Wheatley se débrouille pour ramener sans arrêt ses personnages à la réalité : bisbille autour des savons dans les hôtels ou rumination parce qu’on doit passer la nuit dehors. L’humour très noir du cinéaste ne nuit jamais à l’efficacité de son thriller, parfois tétanisant, et qu’il conclue par un point d’interrogation radical et perturbant. On n’a pas fini de parler de Ben Wheatley…

Kill list De Ben Wheatley (Ang, 1h35) avec Neil Maskell, Harry Simpson…

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