Trop d'honneurs pour Honoré
Comment un cinéaste médiocre peut s'imposer comme chef de file putatif du cinéma indépendant d'ici en reproduisant les films du passé ? Un mystère nommé Christophe Honoré pour une histoire très franco-française...CC

Photo : Christophe Honoré et Louis Garrel
La semaine dernière, il y avait deux raisons de ne pas être fier d'être Français. La première, on ne reviendra pas dessus, mais elle est liée au piteux spectacle politique imposé par la classe du même nom. La seconde, c'est la présentation à Cannes sous la bannière tricolore des Chansons d'amour, film honteux signé Christophe Honoré, qui fût quasi-unanimement salué par la critique nationale, et tout aussi unanimement détesté par le reste du monde. Un truc à usage interne, en sorte, à la condition toutefois de baisser les bras et de reconnaître que le cinéma français d'aujourd'hui, ce sont des gens qui glandent pendant une heure trente, partageant leurs tracas quotidiens entre deuil (vite évacué) et cul (à trois, hétéro, homo ou bi, c'est selon). On voit venir la volée d'injures : «Bande de démagos populistes, c'est facile, il y a la mise en scène, c'est ça l'important !». La mise en scène, oui : pas un plan net, des cadrages plus aléatoires que ceux du dernier Lars Von trier (mais involontairement !), des acteurs qui jouent comme dans les années 60 et des chansons pour dire ce que les dialogues (d'une pauvreté inouïe) ne peuvent exprimer. Ah, les chansons ! Signées Alex Beaupain, elles donnent surtout envie de rejoindre le dessinateur Luz dans sa croisade contre la chanson française, allant jusqu'à faire rimer «breton» et «crêpe au citron», genre de choses que l'on croyait réservé à Cali et Benabar.CuistrerieLes plus fidèles de nos lecteurs nous rappelleront qu'en septembre dernier, nous avions défendu Dans Paris du même Christophe Honoré avec des arguments semblables, mais dans l'autre sens : plaisir de la référence cinématographique, légèreté et gravité mêlées, jeu aérien de Louis Garrel... Ben oui. Et là , non. Car bien qu'il s'agisse presque du même film, celui-ci est juste irregardable. Et puis tout est dans le «presque» : aligner cinquante couvertures de bouquins en 90 minutes, ça donnera peut-être envie de lire aux spectateurs (?), mais ça ne sert ici qu'une pitoyable cuistrerie culturelle. Tourner en 18 jours à l'arrache dans les rues de Paris n'implique pas automatiquement de filmer en dépit du bon sens. Refaire des plans entiers de Eustache ou Truffaut, aller retourner Demy dans sa tombe, ça ne signifie pas forcément que l'on a digéré ses influences, ou même que l'on porte dignement leur héritage. C'est pourtant bien cette casquette-là qu'aimerait enfiler Honoré : celle d'héritier d'une tradition cinématographique en danger, un José Bové du cinéma d'auteur menacé par les OGM mondialisés. Mais c'est à cause de ce genre d'irresponsables-là que se développent les contre-révolutions conservatrices qui finissent par nous tomber sur la tronche sans qu'on n'ait rien demandé à personne. Doit-on répéter que pendant ce temps-là , David Fincher fait Zodiac et Jia Zhang-Ke Still life, des films où le cinéma d'hier construit un horizon pour les images de demain ?