Melki, entre-deux
Suite du feuilleton Gilbert Melki : après le portrait, rencontre avec l'acteur français du moment, en bout de course pour la promo de «Très bien, merci» d'Emmanuelle Cuau.CC
À trois jours du deuxième tour et au lendemain du lamentable débat entre les deux candidats à l'élection présidentielle, Gilbert Melki est à peu près aussi navré que nous : s'il ira voter dimanche, il sait surtout pour qui il ne votera pas... Bizarrement, cette entrée en matière sera quasiment le seul moment où l'on parlera politique de la soirée. On s'attendait pourtant, de la part de l'acteur principal d'un film citoyen comme Très bien, merci, à ce que la chose soit au centre de la conversation. Mais Melki, qui est au naturel la classe incarnée, sourire ravageur et humour à froid irrésistible, arrive au terme de cette promo. Et on sent que l'affaire a été aussi une sorte de campagne pour lui et la réalisatrice Emmanuelle Cuau. Il raconte comment, sur France Inter, ils se sont tous deux regardés longuement pendant qu'Arnaud Viviant sortait son petit bréviaire de Michel Foucault pour parler du film. «Michel Foucault, moi, j'ai survolé ça avec un pétard...», lâche-t-il. On comprend bien qu'il n'est pas facile, dans un cinéma français totalement dépolitisé, de se retrouver seuls à en incarner une forme de résurrection. Alors, ce soir est surtout l'occasion de mettre à profit son expérience lyonnaise sur le tournage d'Anna M. pour montrer qu'il est aujourd'hui un vrai connaisseur en grands vins du cru. Et clore de manière hédoniste une tournée visiblement crevante.«Un miracle»On tente quand même d'aborder la manière dont il est entré dans la peau de ce quidam de la société libérale moderne, comptable lucide, «résigné plus que révolté», «curieux et amusé» face à une situation au demeurant absurde. «Je n'ai eu que quatre jours pour préparer le film, j'apprenais le texte au fur et à mesure. La trilogie Belvaux a été mille fois plus technique». La trilogie Belvaux ? On sent que Melki n'a pas envie qu'elle lui colle à la peau, demandant poliment qu'on ne s'attarde pas trop dessus. Il a, il est vrai, tourné une quinzaine de films depuis... Retour donc à Très bien, merci : «Ce film est un miracle. On aurait dû le tourner avec 10 millions d'euros, on en a eu beaucoup moins, mais je crois que ça a fini par le servir». La cohérence avec ses rôles précédents, il la trouve dans le désir de comédie : «Il fallait absolument que ce soit un personnage de comédie. Si je l'avais joué de manière dramatique, si j'avais fait attention à tout l'environnement d'actualité, c'était mort, on se serait fait chier. Il fallait une distance entre le personnage et la situation et entre moi et le personnage.» Et lui d'embrayer derrière : «De toute façon, la France, ce n'est pas le Bangladesh ! C'est dur, oui, la vie est dure, mais il faut redescendre sur terre aussi... Bon, c'est vrai, la vie n'est pas dure pour tout le monde...» Étrange sortie, mais qui colle finalement bien au personnage, à l'acteur et à l'instant : entre deux eaux, entre deux chaises, entre deux tours...