Tideland

Mercredi 5 juillet 2006

de Terry Gilliam (EU, 2h) avec Jodelle Ferland, Jeff Bridges...

Les séquences introductives imposent une noirceur sinistre, limite nauséabonde, qui ne quittera jamais le film. Et pourtant, la furie visuelle finement clairsemée ne saurait mentir : on est bien devant un Terry Gilliam. Pas celui des Frères Grimm, non, plutôt l'éternel sale gosse qui en aurait marre de chercher à plaire à tout prix, et qui se lancerait dans un projet quasi suicidaire au vu des thèmes qu'il aborde et des tabous qu'il traite frontalement. On vous en dira peu sur l'intrigue, on vous enjoindra à découvrir le film le plus vierge possible pour mieux vous le prendre de plein fouet, dans toute sa monstrueuse candeur. Une descente aux enfers traitée avec une légèreté forcément déstabilisante, mais trop affûtée pour être purement manipulatrice. Les habituels grands angles embrassent un monde à la beauté putréfiée, qui vous creuse l'estomac d'angoisse dans l'attente d'une prochaine horreur. Kamikaze mais intègre, Gilliam adapte le roman de Mitch Cullin in extenso, les scènes les plus sordides devant prendre corps face à l'objectif. Paradoxalement, la réussite artistique du film alimente en permanence les foudres de ses détracteurs : comme pour Brazil, les gimmicks de mise en scène (parfaitement maîtrisés) deviennent mystérieusement des défauts rédhibitoires, et la composition hallucinante de Jodelle Ferland vous embringue de force dans les affabulations de son personnage. Le rejet pur et simple est tentant, mais ce malaise-même vous tient pourtant en haleine. Non par la résultante d'une quelconque prise d'otage affective, mais par une simple question qui vous hante au sortir de la projection, qu'on ait aimé ou détesté : depuis quand un film vous aura autant interpellé, ému, choqué et surpris ? François Cau