Joyeux noël

Vendredi 16 décembre 2005

de Christian Carion (Fr-All-Belg-Ang, 1h55) avec Guillaume Canet, Diane Kruger, Danny Boon...

Cette terne fin d'année cinématographique oblige à prendre quelques positions contestables, mais assumées. Comme celle-ci : mieux vaut un film classique, bien réalisé quoique sans grande ambition de mise en scène qu'une tentative moderniste artistiquement gonflée mais bancale à l'arrivée. C'est pour cette raison que Joyeux Noël, deuxième film de Christian Carion après une première œuvre sous influence Jean Becker, Une hirondelle a fait le printemps, mérite d'être défendu. L'introduction, un peu longue, pose scolairement le décor (les tranchées en 1914) et les personnages (des soldats anglais, français et allemands plus une chanteuse lyrique danoise dont le mari, ténor, a été envoyé au front), tente une scène de bataille plutôt ratée (avec un pale décalque de La Ligne rouge en guise de bande musicale) et ne tient pas la comparaison avec le Long dimanche de fiançailles de Jeunet. Mais quand Carion rentre dans le vif de son propos (la fraternisation, véridique, entre les trois armées le soir de Noël), le film trouve son ton, son rythme et surtout sa raison d'être : une ode pacifiste émouvante filmée comme un grand spectacle fédérateur. Grâce à une indéniable maîtrise, le cinéaste arrive à ses fins : faire passer un vrai souffle dans ce non-film de guerre, donner un poids aux silences émus échangés comme autant de parenthèses fragiles arrachées à la fureur du conflit. La lente sortie des soldats hors de leurs tranchées, les premières poignées de mains échangées, l'enterrement des morts le lendemain, les discussions sur l'impossible "après", quelques notations bienvenues (du général allemand et juif, mariée à une Française, jusqu'au soldat anglais, ivre de douleur après la mort de son frère, qui par son seul désir de revanche relance les hostilités) : autant de scènes et de personnages marquants qui sont avant tout question de savoir-faire (en l'occurrence, savoir raconter une histoire à tous sans sombrer dans la démagogie ou la facilité). Christian Carion parvient ainsi à travers ses poignantes séquences finales à faire exister le message du film, totalement actuel : toute guerre n'est que la fanatisation idéologique de peuples qui aspirent à vivre ensemble et en paix. Ce n'est pas très nouveau ? D'accord, mais c'est dit avec une justesse et une clarté rares, donc fort louables.Christophe Chabert