La Pègre
d'Im Kwon-Taek (Corée du Sud, 1h37) avec Cho Seung-woo, Kim Min-sun...
Sur le papier, le projet était des plus bandants. Pour son 99e film, ce vieux baroudeur d'Im Kwon-Taek (Ivre de Femmes et de Peinture, pour les distraits) s'attaque à une fresque couvrant près de trente ans de l'histoire coréenne, en abordant notamment les affres de la censure et de la production interlope du milieu, dont lui-même eut d'ailleurs à souffrir en son temps. Ironie du sort, Im Kwon-Taek aura subi les mêmes problèmes avec ce film-là : ramassé par le producteur français (Pierre Rissient pour Pathé) à une durée standard d'1h40, au lieu des trois heures initiales, on peut affirmer sans aucun doute que La Pègre souffre violemment de cet équarissage de sa narration. Ellipses saisissantes, raccords improbables entre les scènes, contexte historique absolument insondable pour les non-initiés à l'histoire coréenne, et surtout une intrigue qui ne se laisse jamais le temps de dire ouf ; le montage définitif fonce du point A au point B sans se poser trop de questions, en particulier celle de la cohérence. Sinistrée par le massacre, la mise en scène d'Im Kwon-Taek parvient à maintenir le film quelques franches coudées au-dessus du marasme de ce sabordage, notamment dans son traitement rugueux de la violence. Les scènes de bagarre, respirations barbares du récit, font preuve d'une brutalité que la perversité de l'esprit critique nous pousse à voir comme l'expression cathartique d'un metteur en scène génial, mais malheureusement engoncé dans l'absurde logique d'un système dont il entendait dénoncer les antécédents peu glorieux. Mais ne vous y trompez pas, La Pègre porte tout de même, dans la majorité de ses scènes, la marque d'un immense réalisateur. François Cau