WILLY MASON "Where the humans eat"

par
Mercredi 25 mai 2005

(Virgin/EMI)

Alors que Conor "Bright eyes" Oberst, tout juste 25 ans, est en train de recevoir le triomphe public qu'il mérite, arrive déjà à sa suite une autre génération de surdoués. Willy Mason, 20 piges au compteur, est justement un pote d'Oberst et son premier album est tout simplement exceptionnel. Pourtant, au blind test, impossible de voir en Mason un teenager : la voix d'abord évoque plutôt celle d'un gars ayant écumé les tripots de l'Amérique profonde pour y faire de la musique entre deux whiskys, pas celle d'un gamin ayant appris le songwriting dans les marges de ses cahiers d'école. Maturité similaire dans les chansons de Where the humans eat : point de vue composition, Mason est aussi à l'aise pour écrire des ballades country-blues que des folk-songs émouvantes, avec toujours le même sens de la musicalité et de la mélodie. Point de vue textes, le garçon est carrément impressionnant, allant même jusqu'à se moquer délicieusement de sa propre facilité ("Tu ne devrais pas lire Dostoïevski à ton âge" se dit-il à lui-même sur Still à fly). Mason trimballe ainsi avec lui de vilains bleus au cœur, rejoignant les Bill Callahan et Will Oldham au panthéon des musiciens capables de transformer leur peine à être au monde en joie d'être encore en vie. Le morceau titre, discrètement souligné par un xylophone et un violoncelle, ou le génial Oxygen, chanson d'amour sèche et épurée où Mason pousse sa voix ébréchée jusqu'à son acmé, ne laissent pas de doute à l'auditeur : à 20 ans, il a déjà l'étoffe d'un Springsteen. On n'ose même pas l'imaginer à 30 !CC