Cinéma italien pour débutants
Pendant deux mois, l'Institut Lumière flâne à travers l'histoire du cinéma italien et de ses grands auteurs. Sélection maison en quatre étapes.CC
Néo-réalismeVéritable acte de naissance du cinéma italien (à quoi ressemblait-il avant ?), le néo-réalisme apparaît dans l'immédiat après-guerre à travers quelques films manifestes : Le Voleur de Bicyclettes et Umberto D. de Vittorio de Sica, Allemagne Année zéro, Païsa et Rome ville ouverte de Roberto Rossellini. L'enjeu est simple : filmer le réel sous son angle le plus simple et le plus vrai, témoigner de son temps avec la force d'un regard cinématographique. Rossellini se penche sur le passé de son pays, la guerre et la résistance à Mussolini, tandis que De Sica préfère inscrire son cinéma dans le présent, en s'intéressant aux pauvres et aux exclus de l'époque. Dans tous les cas, les films sont imprégnés d'une conscience politique et sociale qui, à l'époque, marquera les esprits et aura des répercussions des années plus tard sur l'ensemble du cinéma mondial.Comédie à l'italienneL'an dernier, la reprise estivale de Nous nous sommes tant aimés a montré l'intérêt des cinéphiles français pour la comédie italienne, dont le film est un des prototypes les plus aboutis, et son auteur (Ettore Scola) un des meilleurs représentants (l'Institut montrera d'ailleurs un de ces films les moins connus, l'étonnant Macaroni, où le cinéaste orchestre la rencontre, lourde de sens cinéphilique, entre Mastroianni et Jack Lemmon). La comédie à l'italienne, c'est une manière de faire naître le rire par la simple force des personnages, y compris (et surtout) quand ceux-ci sont des gens ordinaires, sinon des ratés. D'où la tonalité souvent grinçante ou amère de ces films où les cinéastes n'oublient jamais d'inscrire leur propos dans une époque ou un contexte, la plupart du temps dramatique d'ailleurs. Dino Risi avec Le Fanfaron, Mario Monicelli dans Le Pigeon (peut-être le chef-d'œuvre du genre), Pietro Germi pour Divorce à l'italienne travaillent tous cette gravité légère, ce burlesque dérisoire qui, là encore, a créé beaucoup d'émules chez les cinéastes internationaux.PasoliniSon premier film, Accatone, pouvait s'apparenter à une forme de néo-réalisme tardif (tournage dans les rues avec des acteurs non professionnels incarnant des personnages proches de ce qu'ils sont dans la vie). Mais dès Mamma Roma, Pasolini se singularise par le recours obsessionnel à des figures christiques, souvent prélevées à même le quotidien le plus trivial de la société italienne. Le cinéaste, catholique, marxiste et homosexuel, creusera cette voie jusqu'à son dernier film, le radical Salo ou les 120 journées de Sodome, où il transpose le Marquis de Sade pendant la République fasciste de Salo, montrant l'immontrable : une juxtaposition de cérémoniaux sexuels, violents et décadents, où l'horreur est exposée avec frontalité selon un système de cercles concentriques de plus en plus insoutenables.Les frères TavianiDu cinéma des Taviani, on dit qu'il a vieilli. Certes, les deux frères, toujours en activité, n'ont guère convaincu avec leurs derniers opus. Mais il suffit de revoir les deux films programmés par l'Institut Lumière pour réaliser à quel point leur cinéma possède une fascinante puissance émotionnelle. Dans La Nuit de San Lorenzo, les Taviani filment la fin de la guerre depuis un petit village de Toscane où les habitants tentent d'échapper aux troupes allemandes. Le film reste dans les mémoires par ses fulgurances lyriques et par l'ampleur de sa mise en scène. Kaos, adapté de quatre nouvelles de Pirandello, est plus inégal, mais certains de ces "contes siciliens", notamment le très étrange Coup de lune, prouvent que les Taviani ont habité un territoire à part dans le cinéma italien, plus onirique que réaliste, plus poétique et plus inquiétant.Classiques du cinéma italienÀ l'Institut LumièreJusqu'au 10 avril.