Avant que j'oublie
de et avec Jacques Nolot (Fr, 1h48) avec Jean-Pol Dubois...
Avant que j'oublie n'est pas tout à fait une autobiographie (Nolot s'y prénomme Pierre), mais plutôt une autofiction, terme bien français qui peut virer à l'égotrip ou à l'autocritique, selon qui manie la caméra. Dans le cas de Jacques Nolot, c'est indécidable, tout en étant résolument indécent. L'indécence n'est pas dans l'impudeur d'un film dont la dramaturgie se limite aux faits et gestes d'un Nolot vieillissant, malade et aigri. Cette impudeur-là serait choquante s'il y avait du cinéma ; mais Jacques Nolot mangeant un poulet mayonnaise, Jacques Nolot pisant dans le lavabo ou Jacques Nolot couchant avec un gigolo, ce n'est qu'un plat naturalisme sans le moindre intérêt. Là où le film énerve et inquiète, c'est quand il se met à causer. Car on a rarement vu telle avalanche de dialogues bassement matérialistes sur comment toucher un héritage et placer l'argent en Suisse, combien coûte une passe ou une consultation chez le psy... Revendiquant son inculture, ne regrettant qu'une chose, ne pas avoir lu La Bible (il dit avoir adoré «Le Nouveau Testament» !), se posant longuement devant le journal de TF1, vantant en connaisseur Agadir comme le «Saint-Tropez du Maroc» ou, comble du comble, lançant l'air de rien un ahurrissant «si je veux me faire peur, je vais en Banlieue», le personnage de Nolot accumule les poncifs du bourgeois de droite réac', obnubilé par l'argent et la transmission, méprisant les autres et ne pensant qu'à lui. Peut-être est-ce ironique ? Peut-être veut-il pousser l'indifférenciation sexuelle jusqu'à montrer qu'avant d'être gay ou hétéro, on est avant tout un vieux con ? Ce que l'usage opportun d'une réflexion de Deleuze sur la «bêtise» pourrait laisser penser... Curieux projet, alors, que de filmer son autodestruction en se flagellant de la sorte !CC