Promets-moi

Mercredi 6 février 2008

Emir Kusturica, en roue libre, racle le fond de la casserole de son univers pour ce film jovial, paillard, brouillon mais franchement sympathique.Christophe Chabert

De tous les cinĂ©astes qui ont rĂ©cemment jouĂ© Ă  mort l'effet de signature, le clin d'œil «vous me reconnaissez» Ă  leurs fans, Emir Kusturica est celui qui pousse le bouchon le plus loin et qui, pourtant, s'en sort le mieux... En cinq minutes, Promets-moi installe le traditionnel folklore du cinĂ©aste, joyeusement hystĂ©rique, excessivement paillard et totalement dĂ©jantĂ©. Ensuite, il rejoue la fable des rats des villes et du rat des champs : un gamin de la campagne serbe se retrouve Ă  la ville sur demande expresse de son grand-père pour vendre une vache, rĂ©cupĂ©rer une icĂ´ne religieuse et trouver une Ă©pouse. Une fois sur place, ce sont surtout des mafieux complètement cramĂ©s qu'il va croiser. Pour se rendre compte du degrĂ© de crĂ©tinerie de ces voyous bling bling, il faut les voir essayer de vendre au maire de la ville le projet de reconstruire le World trade center entre deux terrains vagues... Sa majestĂ© mineure On retrouve ici le Kusturica de Chat noir, chat blanc, celui qui prĂ©fère foncer fanfare allumĂ©e dans la farce franchisĂ©e plutĂ´t que de lorgner vers les distinctions des festivals internationaux (contrairement Ă  son prĂ©cĂ©dent La Vie est un miracle). Qu'on se le dise, Promets-moi n'est pas Ă  la hauteur de ce modèle il est vrai imparable... Le film est mis en scène avec Ă©nergie mais aussi avec un certain j'm'en foutisme, genre «on rattrapera le tout au montage» ; plus Mocky que Fellini, donc. Et le dĂ©sir de remplir le scĂ©nario et le cadre jusqu'Ă  la gueule entraĂ®ne quand mĂŞme beaucoup de dĂ©chets (l'interminable running gag de l'homme volant, effet spĂ©cial mal gaulĂ© au service d'une idĂ©e insistante, en est l'exemple le plus parlant). Mais c'est aussi cette surenchère incessante, ce foutoir gĂ©nĂ©reux, qui rend le film franchement divertissant. Ă€ la manière de Jean-Jacques Annaud dans Sa majestĂ© Minor, Kusturica jette par-dessus bord le bon goĂ»t bourgeois et se vautre dans une paillardise provocatrice : viols d'animaux en sĂ©rie, descente pleine de coke dans des bordels miteux, castrations Ă  la pince coupante, le cinĂ©aste est dĂ©cidĂ© Ă  froisser les bonnes âmes «tĂ©lĂ©ramistes». Quoique... Sur ce fumier fĂ©tide, il plante une rose magnifique : l'extraordinaire Marija Petronijevic, sorte de Liv Tyler des Balkans dont la fraĂ®cheur et la cinĂ©gĂ©nie sont si Ă©videntes qu'elles font immĂ©diatement ressentir au spectateur le coup de foudre du jeune hĂ©ros. MĂŞme au milieu des cris, des balles et des trognes grimaçantes, elle conserve une puretĂ© coquine, un Ă©rotisme chaste qui explose Ă  tous les plans. Depuis, Kusturica a promis qu'il allait passer Ă  autre chose ; mais s'il veut revenir de temps en temps tourner des films mineurs mais rĂ©jouissants comme celui-ci, qu'il ne s'en prive surtout pas !Promets-moid'Emir Kusturica (Fr-Serbie, 2h06) avec Uros Milovanovic, Marija Metronijevic, Miki Manojlovic...