C'est un chaos !

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Justice / La Demeure du Chaos est-elle une œuvre d'art ? A priori, la question peut paraître sans importance. La justice devra pourtant en décider avant de savoir si Thierry Ehrmann a, ou non, le devoir de remettre la Demeure du Chaos en état. Un premier jugement avait condamné Erhmann et donné raison au maire de Saint-Romain, la cour d'appel en a décidé autrement. Le maire a donc introduit un pourvoi en cassation. Mais il en faut plus pour effrayer Ehrmann, qui a déjà engagé une procédure de classement de son «œuvre totale» au ministère de la Culture. N'en déplaise aux riverains de cette paisible commune, cette petite guerre art contre justice n'est pas sans réveiller quelques vieilles histoires, qui ont été largement favorables aux artistes. Petit retour en arrière. En 1926, une œuvre du sculpteur roumain Constantin Brancusi, Oiseau dans l'espace, convoyée par Marcel Duchamp, est saisie par les douanes américaines qui refusent à son propriétaire l'exonération réservée aux œuvres d'art et exigent qu'il s'acquitte de la taxe appliquée équivalant à 40% de la valeur des objets. Il s'ensuit un procès qui frôle à plusieurs reprises les frontières de l'absurde et s'achève deux ans plus tard en faveur de l'artiste : le juge reconnaît à une œuvre abstraite le statut d'œuvre d'art, en invoquant l'évolution du discours de l'institution artistique. Moins d'un siècle plus tard, la France décide de refaire le procès de Brancusi. Et l'on peut déjà lire ici et là : «en 1928, c'était un oiseau, c'est aujourd'hui la Demeure du Chaos». Comme en 1926, l'enjeu de ce procès est la définition, par la loi, de ce qui peut être considéré comme artistique. Et au petit jeu des juristes, Ehrmann en connaît un rayon. Dorotée Aznar