Gourmets boulimiques

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Mercredi 26 avril 2006

Rencontre / Passer une heure avec Les Gourmets dans un bar est une expérience physique. On prend ses marques tranquillement en mettant des prénoms sur ces visages qui jusqu'à maintenant ne portaient que des pseudos - Morbac, Liqid, Krimen -, on s'enquiert machinalement de la moyenne d'âge - deux pointent à 22 ans, un à 24 - et on lance finalement la première vraie question : "Alors, avec les filles, ça va si mal que ça ?" Et c'est parti pour une heure de tchatche à bâtons rompus, où chacun rebondit sur son voisin, les étoiles dans les yeux et la fougue revigorante des enfultes comme carburants : "En fait, on n'est pas passé par la case adolescence. Aujourd'hui, on aborde les choses de façon adulte, mais quand on se voit et qu'on joue, on est plus proches d'un comportement enfantin." Un drôle de mélange qui explique sans doute cette frénésie créative anarchique : "Au départ on voulait enregistrer un album, mais en attendant, on a enregistré plein de trucs à droite à gauche et quand on s'est retrouvé avec tous ces morceaux finis, on s'est dit qu'on n'avait qu'à les sortir. On ne fait pas des disques pour les remplir de musique, on fait de la musique pour remplir des disques." Et celui qui sort aujourd'hui, Trop jeune pour mûrir, reflète admirablement cette boulimie sonore. Des instrus - toujours forgés par les fidèles Tcheep et Bonetrips - qui affinent leurs lignes électro-mélancoliques, des flows droits dans leurs baskets et des textes mordants, pétris de relations foireuses avec les nanas, les gens en général et l'argent, le tout d'un point de vue très middle-class finalement peu représenté dans le rap français. Un "album de la prématurité" qui laisse espérer le meilleur, notamment sur scène où le trio a déjà largement fait ses preuves et où il souhaite pousser le côté live, en incorporant à sa sauce des machines et, pourquoi pas, des instruments. Les Gourmets ou l'art de la fugue.EA