Musique / Présélections régionales du Printemps de Bourges, off des Transmusicales de Rennes ou compilation Indétendances à la Fnac, Vale Poher est sur tous les fronts pour défendre, seule, son rock à l'intimité rageuse.Emmanuel Alarco
Magie de l'événementiel municipal, au moment où nous rencontrons Vale Poher dans un café des alentours, la place des Terreaux se remet à peine du passage cataclysmique de nos académiciens préférés. Dans notre projet chimérique de Star Ac' alternative, peuplée d'élèves nourris à l'indie rock et d'invités underground, il est certain que Miss Poher aurait une place de choix. Celle, classique, de la candidate limitée techniquement mais qui emporte le morceau grâce à un "univers" singulier et une personnalité sacrément affirmée. Une personnalité remarquée il y a quelques années déjà, du temps où la demoiselle envoyait sec au sein d'Elka Asa, duo rock abrasif qui après de nombreux concerts a finalement mis la clef sous la porte en 2004. "On a arrêté parce qu'un décalage était en train de se créer entre Olivier, le batteur, et moi. Ça commençait à marcher un peu, mais on avait vraiment un énorme effort à fournir pour passer au stade supérieur. On avait déjà beaucoup donné et on n'était pas prêt à tout reprendre à la base." Pendant les années de boulot intensif avec le groupe, Vale se découvre un goût évident pour la scène et saute le pas en délaissant les études pour s'investir totalement dans la musique ; au moment de débrancher les amplis, c'est l'appel du vide. "Quand tu bosses quatre ans sur un truc en faisant des boulots qui ne te conviennent pas et que ça s'arrête, tu te demandes ce que tu vas faire. À l'époque j'ai pensé que j'allais arrêter de prétendre à quelque chose avec la musique et retourner faire mes trucs dans ma chambre. Finalement, ça m'a permis de me recentrer et de me remettre à bricoler des morceaux comme quand j'avais 14 ans."Un ami qui vous veut du bienUne rencontre et les événements se précipitent. Bob X, briscard de la scène lyonnaise et ami intime, est impressionné par les nouvelles démos de Vale. Il la pousse à en faire quelque chose et l'épaule dans l'enregistrement maison de ce qui deviendra son premier album. "Depuis que je fais de la musique, c'est la première personne qui m'a fait entièrement confiance. Et c'est réciproque. Il a le recul que je n'ai pas. Souvent, c'est la clef qui me manque quand je n'arrive pas à savoir ce qui cloche dans un morceau." Au final, le disque impressionne par sa cohérence et son aboutissement. Avec nos idées courtes, on serait tenté de tisser des liens trop évidents avec quelques illustres aînées (de Cat Power à PJ Harvey, en passant par Kim-Sonic Youth-Gordon) ; l'intéressée, elle, voit plus loin, se répandant plus volontiers sur les Beatles ou Dylan que sur un quelconque "rock de filles". C'est d'ailleurs à deux illustres mâles que l'on pense sur le très beau et complètement schizo D.Day, où une colère rentrée façon The Cure première époque succède à une mélodie alambiquée que n'aurait pas reniée Jim O'Rourke. Et des mélodies marquantes, Mute en est gorgé, salutaires rais de lumière dans la pénombre d'un songwriting à fleur de nerfs. Dans notre Star Ac' indé, armée de sa seule guitare, il est certain que Vale Poher pourrait prétendre aux places d'honneur.