Musique / Andy Warhol est un personnage fondateur de l'histoire du rock. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu'il est celui qui en 1965 découvre puis met en orbite le groupe le plus influent de ces quarante dernières années : le Velvet Underground. Comme l'a dit Lou Reed lui-même : "Il est celui qui a permis au Velvet d'être le Velvet", l'encourageant à creuser son sillon déviant, lui apportant la lumière que lui conférait son statut d'artiste en vogue et lui mettant dans les pattes un mannequin allemand à la voix merveilleusement atone, le temps d'un album éternel : The Velvet Underground and Nico. Ce cadeau inestimable, Lou Reed et John Cale l'en remercieront tardivement (mais de quelle manière !) avec une fois encore un disque inoubliable : Songs for Drella. Sorti en 1990, trois ans après la mort du maître, cet album hommage est avant tout affaire de réconciliation ; entre Reed et Cale bien sûr, mais surtout entre ce vieux chameau de Lou et son mentor, à qui il ne s'était pas adressé depuis près de vingt ans. Les immenses regrets de Reed vis-à-vis de ce silence et de cet éloignement sont une source intarissable à laquelle s'abreuve cette bouleversante biographie chantée de celui qu'on appelait Drella (pour Dracula et Cindirella). De son enfance frustrée et dépressive à Pittsburgh (Small town), à la tentative d'assassinat dont il fut victime en 68 (I believe), en passant par les premiers ébats filmiques (Starlight), les 15 titres dressent un portrait intime de Warhol, de sa philosophie (Open house) ou de ses idées sur l'art (Style it takes, Images), avec en filigrane un maître mot, une obsession : le travail (Work). Sobrement servi par les guitares de l'un, les claviers et l'alto de l'autre, Songs for Drella est la lettre ouverte de deux demi-dieux du rock redevenus modestes disciples face à leur père spirituel disparu, une lettre aux mots simples, dont il est impossible d'écouter le dernier chapitre sans verser une larme émue : "Oh well now Andy, 'guess we've got to go-I hope someway, somehow you like this little show-I know it's late in coming, but it's the only way I know-Hello it's me, good night Andy..."Emmanuel Alarco