Renversant !

par
Mercredi 30 janvier 2008

Photo : (c) Thierry Chassepoux

Cirque / En guise d'introduction à Déversoir, la contorsionniste Angela Laurier s'arrache à son corset et envoie valdinguer ses hauts talons pour une mise à nu physique et psychique qui va se révéler à la fois terrible et bouleversante... La voix heurtée de son frère schizophrène Dominique se fait ensuite entendre, puis c'est l'image et la parole du père que l'on découvre sur un écran en fond de scène. Le spectateur est ainsi plongé, et volontairement un peu perdu au début, dans l'histoire chaotique de la famille Laurier, parmi un flux d'images, de récits, d'anecdotes, de mots calmes ou très violents, de fragments de vie... Morceaux épars issus d'un voyage et d'un retour vers son passé québécois lors duquel Angela Laurier a longuement filmé et interviewé les siens : «Il fallait que je reprenne un rapport avec mon père, là où j'en étais, ou je l'assassinais ou j'essayais de le comprendre. Et je voulais reprendre un autre rapport avec mon frère schizophrène». Devant les images projetées, dans la pénombre du plateau, l'artiste exécute lentement ses figures cul par-dessus tête, tord son corps en tous sens, le sculpte, en fait le support d'un langage plastique inconnu pour dire autrement la souffrance, la révolte, la tendresse ou la haine... Ses mains effleurent parfois les lèvres virtuelles de son père, son ventre reçoit les images de Dominique et de sa mère, sa tête se renverse vers le public pour dire les phrases des autres. Entre symbolique, imaginaire et réel, sons, visions et contorsions, Angela Laurier tente de donner forme à ses sentiments, de faire émerger un peu de sens. Et si son exutoire nous touche tant, c'est sans doute parce que nous sommes nous-aussi, peu ou prou, confrontés à cette même difficulté d'exister comme au risque de la folie. Jean-Emmanuel DenaveDéversoir, d'Angela Laurier Aux Subsistances, jusqu'au 24 janvier