Rap français vs Dostoïevski

par
Mercredi 11 octobre 2006

MC / Vous pensiez que le rap français était le refuge des analphabètes du star-system hexagonal ? Qu'il manquait, pour paraphraser le seul comique drôle du Jamel Comedy Club, de rappeurs comme Biggie et Tupac, c'est-à-dire de rappeurs morts ? Ravalez donc votre fiel, et plongez vous dans la discographie du groupe Psykick Lyrikah. Remarqué par le label rennais Idwet à la grâce de leur street-tape Lyrikal Teknik, les membres du groupe accouchent en 2004 de leur premier album, Des lumières sous la pluie. L'adaptation à la française des données de l'abstract hip hop (touches électro, ambiances mélancoliques voire glauques à souhait) séduit, la recherche mélodique interpelle, les boucles samplées aguichent l'oreille, mais la vraie vedette demeure la voix a priori atone de Arm, éminence grise de textes ahurissants, et disons-le, sans équivalent dans le hip hop français. Sa profession de foi textuelle s'opère dans le morceau Dernier Chapitre, où il évoque dans un phrasé impeccable, mélangeant habilement érudition et langage hip hop, sa passion pour la lecture. Quitte à faire le grand écart entre Camus et Tolkien, ou à confesser le traumatisme ressenti à la lecture de Dostoïevski, le MC s'attache à élever son auditeur dans des sphères littéraires de haute volée, à scander dans un flow quasi slammé des vers dont la musicalité constante hypnotise. Dans les multiples remixes ourdis par ses camarades d'Abstrackt Keal Agram ou Robert le Magnifique, la part belle est ainsi faite aux plages où son seul flow s'exprime (avant de reprendre sur un break généralement monstrueux). Il n'y a qu'une seule chose regrettable à son propos : qu'il fasse figure d'extraterrestre dans le paysage musical français...FCPsykick Lyrikah"Des lumières sous la pluie" (Idwet)