Rien ne sera comme avant

Lundi 31 janvier 2005

Requiem / C'est avec une tristesse infinie que nous avons accueilli la nouvelle : le concert du 29 avril sera le dernier donné par le groupe Jull. Retour amer sur un artiste majeur, dont la formation aura marqué à sa discrète façon la scène locale.FC

Je me souviens de la découverte au show-case du Magic Bus justement, pour la sortie d'un premier album qui use encore mes platines, La Bataille du Ventre. Très vite, j'ai adoré ces neuf compositions atypiques, d'une cohérence implacable, drainant un spleen mélodique systématiquement contrebalancé de textes frôlant déjà le sublime (Ne croyez pas, White Spirit, Les vacances de James Dean...). J'assume avoir voulu en savoir plus, au point d'enchaîner avec le chanteur-parolier Julien Brotel une série de déjeuners-pizzas hebdomadaires, au même Magic Bus. Je me rappelle de timidités respectives s'effaçant lentement, de la révélation d'un artiste précieux, déjà conscient de ne pas trop être à sa place dans le contexte musical actuel. Je confesse avoir apprécié la pièce Etre sur Terre et ce que j'en Retiens (donnée au Rio il y a plus de deux ans) pour l'écriture d'Alexandre Lacroix mais surtout pour sa bande originale signée Jull, superposition virtuose des textes originaux et de déambulations intimes. Ne croyez plusFocalisé sur ma fascination pour le chanteur, j'admets m'être tapi dans l'obscurité de concerts de Zygoma ou de Maczde Carpate rien que pour y ré-entendre ses participations en live. À chaque concert du groupe Rien, j'attends avec impatience le morceau Stare Mesto, dont les paroles sont peut-être son chef-d'œuvre. Au-delà d'affinités personnelles de plus en plus marquées, je me souviens avoir été soufflé par la première mouture du nouvel opus de sa formation, le magnifique De la Neige et des Océans, pestant régulièrement contre les obstacles incessants retardant ad vitam sa diffusion. Je regrette d'avoir ressenti une certaine fierté imbécile en le voyant s'emparer avec brio des premières parties de Dominique A et de Pierre Bondu, avec sa nouvelle formation. Considérant le seul argument artistique, et non la dizaine d'année écoulée sans reconnaissance des professionnels de la profession (qui n'arrivent toujours pas à comprendre que sa musique ne se rattache à aucun courant prédéfini), les impasses, les silences pesants, bref, le cirque de l'industrie du disque, je lui en ai presque voulu lorsqu'il m'a annoncé vouloir arrêter pour ces raisons (et d'autres qui lui appartiennent). Par pur égoïsme, parce que l'amour que je porte à sa musique est trop grand pour ne pas être partagé.