Des contes à régler
L'histoire du cinéma dans les années 2000 restera-t-elle comme un long bras de fer avec la télévision dont l'enjeu est la domination du récit ?Christophe Chabert

Southland tales est la réponse cinématographique la plus fulgurante à la question qui hante le cinéma depuis le début de la décennie : comment cet art populaire qu'on pensait insubmersible pouvait-il se défendre face à l'offensive des séries télé, nouvelles machines à fiction dont les durées démentes offrent un terrain de jeu idéal à leurs concepts ambitieux. Combat inégal, dont on a cru d'abord qu'il allait se solder par une passe en retrait : Collateral, Miami Vice ou Inside Man donnaient le sentiment que c'est en sacrifiant le récit au profit d'une séduction nonchalante et atmosphérique que le cinéma pouvait conserver une partie de son territoire.
Mais à cette victoire à la Pyrrhus, d'autres ont préféré la guérilla. Robert Rodriguez dans Planète terreur répond par un récit à tiroirs dans lequel toutes les idées, même les plus folles, trouvent leur justification finale dans un scénario moins baroque qu'il n'y paraît. On est entre pulp et bédé, mais il manque encore le roman, ce que Desplechin dans son soufflant Un conte de noël et Kelly dans Southland Tales n'ont pas hésité à introduire. Ces longs films ont une foi sans faille dans les possibilités du cinéma : Desplechin pour peindre cinq générations en quatre journées, Kelly pour raconter l'histoire récente avec une poignée d'individus complètement dégénérés.
Profitant d'une télé qui commence à tourner en rond, ses films-là ne tournent pas rond du tout, mais proposent un nouvel horizon à un spectateur affranchi. Le duel ne fait que commencer !