Jeux de couleur

Lundi 2 juin 2008

Expositions / Si les œuvres de Reg Mombassa et Samuel François, respectivement exposées à Spacejunk et à A Part, n'ont objectivement pas grand-chose en commun, les deux artistes n'en partagent pas moins une volonté commune d'explorer et d'interroger les symboles de la pop culture actuelle.Damien Grimbert

Né en 1951 en Nouvelle-Zélande, Reg Mombassa s'installe en Australie avec ses parents en 1969, et, après des études à la National Art School de Sidney qu'il finance en multipliant les petits boulots, devient rapidement l'une des figures de proues de la pop culture locale. En tant que musicien au sein du groupe de rock Mental as Anything, mais avant tout en rejoignant la marque de surfwear locale Mambo, créée par Dare Jennings.
Il va en effet créer pour cette dernière un nombre démentiel de t-shirts et de posters, qui constitueront autant de facettes différentes de son identité graphique singulière. Car on reconnaît une oeuvre de Reg Mombassa au premier coup d'œil : beaucoup de couleurs, chaudes et lumineuses, un style faussement naïf, peuplé de personnages grotesques, et une inventivité visuelle de tous les instants. Peuplé de surfeurs, de kangourous, de koalas, et d'Aussies buveurs de bière, l'univers de l'artiste ne se borne pourtant pas à un simple bréviaire du folklore pop australien, mais utilise au contraire les codes de ce dernier pour mieux interroger « la dominance de cette culture macho, shootée à la testostérone » qui sévit dans son pays. S'il aime croquer les petites veuleries quotidiennes de ses contemporains avec une tendre ironie, c'est cependant un regard bien plus corrosif qu'il adresse aux institutions politiques de son pays, perpétuellement ridiculisées dans ses œuvres. « Je vois mon rôle comme celui d'un bouffon, qui se moque avec humour de toutes ces choses qui m'irritent en réalité profondément ».L'esthétique urbaine en question
Graffeur depuis son plus jeune âge, et membre du collectif Inkunstrunction, Samuel François multiplie quant à lui les supports à foison (dessins au feutre, peinture, photos, collages, installations...) sans souci d'unité apparent. Coloré, spontané, ludique et moqueur, son travail se construit autour d'une interrogation des codes graphiques urbains, récupérés par le grand public en tant que simples éléments décoratifs, au détriment de leur sens premier : l'appropriation d'un espace urbain pour exister. Si l'on fait abstraction de leur fonction initiale pour n'en retenir que les normes visuelles, jusqu'où peut-on pousser la confusion des genres ? Et pour quel résultat ? Un vaste champ des possibles que Samuel François explore avec ironie, et sous les formes les plus diverses : portraits de jeunes lookés streetwear coloriés au feutre, étendard smiley composé de bric et de broc, collages enfantins d'icônes urbaines... Mot d'ordre : « ne pas se répéter, quitte à brouiller les pistes ».Reg Mombassa jusqu'au 21 juin, à SpacejunkTalk about nothing, de Samuel François jusqu'au 24 août, à A Part