Zabriskie Point

Lundi 2 juin 2008

Vous reprendrez bien un peu de contestation ? Pour son unique production 100% américaine, Michelangelo Antonioni porte un regard naïf et mélancolique sur l'utopie subversive d'une jeunesse réfutant les choix de vie qui lui sont imposés. Reprise en copie neuve cette semaine au Méliès. François Cau

Les témoignages cinématographiques du vent de révolte d'origine estudiantine qui planait sur les Etats-Unis à l'approche des années 70 brillent par leurs disparités de style, d'approche... et d'objectivité. Apologies furieusement datées des modes de vie alternatifs et de la rébellion (Easy Rider, Point Limite Zéro), brûlots politiques à la férocité assumée (Punishment Park), regards passablement ironiques sur les fantasmes d'une société affranchie de toute forme de tabou (le génialement catastrophique Skidoo d'Otto Preminger, ou la preuve par l'absurde qu'il ne faut pas tester le LSD à 60 ans passés)... Ils furent nombreux à tenter de cerner les tenants et aboutissants de ces mouvements de protestation d'une Amérique déjà paralysée par l'embourbement au Vietnam et son interminable Guerre Froide. Au sein de ces singulières photographies d'époque, Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni est un cas à part, un projet artistique suicidaire dans son fondement même : l'acoquinement entre un auteur engagé et une très conservatrice MGM en quête de respectabilité.Imagine
Le tournage de ce road-movie éthéré, de cette constante fuite en avant d'un couple d'étudiants, fut émaillé des pressions de manifestants pro-Nixon redoutant qu'on ne salisse leur si belle administration, de beatnicks qui pensaient que leur idéologie allait se faire trahir, des autorités locales qui goûtaient peu l'éventualité d'une scène d'orgie dans la Vallée de la Mort. Cerise sur le gâteau, le studio décida de couper tout ce qui ne lui revenait pas (le plan final du film par exemple, où l'avion du héros devait inscrire dans le ciel "Fuck you, America"), et enfin d'expédier sa sortie en salles, l'exposant aux lazzis du public et des critiques. Que reste-t-il de ce film maudit et violemment déconsidéré, près de 40 ans après sa réalisation ?
Un objet pour le moins singulier, contemplatif, dont la sincérité exaltée est aussi l'une des plus grandes limites, aux frontières d'une amoralité bon teint, dans l'air du vent... Un film traversé de fulgurances esthétiques incroyables, où la splendeur des plans languides chevauche sans vergogne une bande-son mythique mêlant les compositions des Pink Floyd et celles des Grateful Dead. Un regard résolument unique sur une époque où l'utopie terrorisait ses ennemis par sa concrétisation alors envisageable. La tendresse "coupable" d'un réalisateur observant ses rejetons "dégénérés" du bout du monde fusionner sous un soleil aride, dans la crasse sablonneuse. Des volutes libertaires partant en fumée.Zabriskie PointDe Michelangelo Antonioni (1970, EU, 1h45) avec Mark Frechette, Daria Halpin...