L'École du court (1)

Mercredi 4 juin 2008

Premier portrait d'une série autour de très jeunes réalisateurs lyonnais ayant choisi de faire des films avec de la passion et de l'envie, plutôt qu'avec des moyens. Cette semaine, Romain Basset, réalisateur de «Bloody Current Exchange».CC

Produire un court fantastique de dix minutes et de bonne tenue avec un acteur connu pour 1500 euros, c'est possible. La preuve avec Romain Basset, 24 ans, et son film Bloody Current Exchange. Ou comment ce qui ressemble à une relation sexuelle tarifée se transforme en repas vampirique... Le film, à mi-chemin entre un cinéma d'atmosphère fantastique et le court métrage à chute, a le défaut majeur de la plupart des premiers courts : une écriture encore hésitante, notamment dans les dialogues. Mais il y a là-dedans un vif appétit de réalisateur, un sens du cadre et du montage très prometteur. Basset a tourné le film avec l'argent gagné lors d'un stage chez Total - comme quoi, les profits du pétrole ne servent pas qu'à enfoncer les populations dans la misère, mais aussi à faire des films ! Pour réussir le challenge d'une économie aussi serrée, Basset a minutieusement préparé le tournage dans un hôtel particulier, a utilisé le bon rapport qualité-prix de la HDV (format intermédiaire entre la DV et la HD) et a eu le courage d'appeler Philippe Nahon, il est vrai toujours partant pour prêter sa silhouette à de jeunes passionnés de cinéma de genre. «Pour moi, c'est le Gabin des années 2000 !» explique Basset. «Quand il a vu le film fini, il m'a presque engueulé de ne pas lui avoir demandé de tourner un jour de plus».Patience et passion
Ensuite, c'est la rencontre avec Thierry Étienne lors du Short film corner de Cannes l'année dernière. Étienne et sa société de production Ataca films prennent le jeune réalisateur sous leur aile, obtiennent un visa d'exploitation pour le film, le font circuler en festival. Il est récompensé au Week-end de la peur, acheté par la chaîne câblée 13e rue, et figure en bonus très bien caché sur le DVD de Pervert !, une pochade provo-rigolo. À l'heure actuelle, il a un projet de scénario sous le coude, Au fond des bois, qu'il espère tourner en Région Centre, avec l'aide du Président du Conseil Régional... Michel Sapin (sic !). Un travail d'écriture d'un an lui a été nécessaire pour monter d'un cran dans son ambition de cinéaste, même s'il sait qu'il n'a pas choisi un cinéma facile à faire financer. «Si vous faites des films de genre, ce n'est même pas la peine d'aller voir le CNC, à moins d'avoir déjà l'appui d'une chaîne de télé. À ce niveau, le court-métrage en France n'est pas différent du long-métrage...» C'est donc avec un mélange de passion et de patience que Romain Basset attend la suite. Quant à sa «vraie vie» en dehors du cinéma, on dirait un film : il prépare une thèse en exobiologie. Kézako ? «En théorie, c'est la recherche de vie extra-terrestre. Dans la pratique, je passe mes journées à faire pousser des bactéries !»