Le réel à coups de sabre
Jusqu'à début novembre, vaste rétrospective à l'Institut Lumière de l'œuvre d'Akira Kurosawa, cinéaste japonais qui, à l'inverse d'Ozu ou Naruse, a tracé des ponts entre l'Occident et son pays, alternant fresques historiques et chroniques sociales.Christophe Chabert

Les plus célèbres en font la démonstration évidente : Les Sept Samouraïs est un sublime western, Ran et Le Château de l'araignée sont deux adaptations directes de Shakespeare, respectivement Le Roi Lear et Macbeth. Dans son dernier film vraiment marquant, Rêves, c'est à la peinture qu'il rend hommage, envoyant un visiteur de musée japonais sur les traces de Van Gogh (interprété par Martin Scorsese, encore un fan !), avant de le faire voyager dans ses toiles... Mais ce sont dans les «marges» intimistes de son cinéma que Kurosawa crée les liens les plus inattendus avec ses pairs européens : L'Idiot transpose dans le Japon de l'après-guerre le récit de Dostoievski, Les Bas-Fonds adapte le livre de Gorki à la réalité de son temps et de son pays. Enfin, Dodes'kaden, le film qui l'a conduit à la faillite et à un suicide raté, se regarde comme une version très libre de Los Olvivados, où la misère des quartiers populaires de Tokyo est transcendée par les rêves d'un jeune garçon. Ce regard social et contemporain, souvent éclipsé par des productions plus colossales, est pourtant largement présent (et même majoritaire) chez Kurosawa. Obsédé par les conséquences de la guerre et des deux bombes atomiques (un thème qui traverse son cinéma, de Vivre dans la peur jusqu'à Rhapsodie en août), recherchant l'espoir dans les sombres décombres d'un Japon meurtri (le sublime Vivre, le magistral Barberousse), il a créé une œuvre humaniste à tous les sens du terme : curieuse du monde, respectueuse de ses personnages, lucide face à l'Histoire.Rétrospective Akira Kurosawa
À l'Institut Lumière
Jusqu'au 5 novembre