Le drame indigène

Photo : Lou Herion
Théâtre / Quand le metteur en scène Jacques Delcuvellerie crée le collectif Groupov en 1980, l'idée de marge artistique est déjà présente. Il s'agissait en effet de regrouper des étudiants du Conservatoire de Liège désireux de s'affranchir du carcan de l'institution, de former un "groupe off" dont les contours définitifs mettront du temps à se dessiner. Le collectif commence à faire parler de lui dans les années 90 avec sa trilogie de la vérité (L'annonce faite à Marie de Claudel, Trash : a lonely prayer de Marie-France Collard et La Mère de Brecht). Mais c'est en 1999, avec la première présentation de Rwanda 94 en Avignon, que le virage artistique majeur du Groupov s'opère. Jacques Delcuvellerie a en effet mené une enquête approfondie sur le génocide rwandais, qu'il retranscrit dans un spectacle estomaquant de six heures, croisant des témoignages et images d'archives en autant de plongées assourdissantes dans une horreur enfin dévoilée. C'est ce même besoin, dévorant et salutaire, de regarder en face les monstruosités passées sous silence de l'Histoire qui pousse le Groupov à créer Bloody Niggers. Dans une forme plus épurée par rapport au gigantisme scénique de Rwanda 94 (la modestie de la scénographie permet au spectacle de circuler plus facilement dans tous types de lieux de représentation), le collectif fait s'exprimer, par la voix d'un trio de comédiens donnant presque dans le slam, tous les peuples massacrés au nom des honteux impératifs coloniaux - histoire de montrer que ceux-ci n'ont jamais vraiment eu "d'effets positifs"... Un travail qui n'est pas sans rappeler celui accompli par le metteur en scène Lofti Achour avec sa Comédie Indigène, présentée pas plus tard que la saison dernière, mais dont l'utilité demeure indiscutable.FCBloody niggers
Jeu 9 et ven 10 oct à 20h30, à l'Amphithéâtre (Pont-de-Claix)