«Des images pour le dire»
Entretien / Agnès Varda, au fil de la parole, aussi libre que son dernier film.Propos recueillis par CC

«On peut tricher avec la mémoire. J'ai connu beaucoup de gens que j'aime qui ont perdu la mémoire et moi, je la perds aussi, doucement mais sûrement. Ma mère avait été élevée avec douze frères et sœurs, mais elle n'avait eu que cinq enfants. Quand elle parlait, elle parlait toujours de ses frères et sœurs, et jamais de ses enfants. La perte de mémoire est une extraordinaire liberté ! Ma mère était dans un brouillard qui n'était ni Alzheimer, ni de l'idiotie, elle était juste «oublieuse de tout». C'est un mot que j'avais entendu à La Pointe courte. J'ai la chance de tenir debout à peu près : je travaille bien, je m'applique au sens le plus joyeux du terme entre l'inspiration, les découvertes et les choses préparées. J'ai voulu que ce film ait l'air d'un récit un peu décousu, avec des digressions que l'on fait tous quand on parle, des moments de rigolade. Mais j'ai aussi traversé la vie avec des peines très grandes, la mort de Jacques qui a été un moment terrible. J'ai essayé de trouver des images pour le dire.»