Pretty Tony

Mercredi 11 février 2009

Ty Von Dikxit, producteur électro, hante les nuits lyonnaises comme le spectre de leur mauvaise conscience.

Non, Ty Von Dikxit n'est pas mort. Mais qui est vraiment Ty Von Dikxit ? C'est un visage familier de la nuit lyonnaise, qui porte toujours sur le nez - quel que soit l'avancement de la nuit - des lunettes de soleil, une bière format 50 cl. à la main gauche et une jupe à la taille. Un sphinx un peu cramé des escapades nocturnes. À 35 ans révolus, Tony fête cette année ses vingt ans de carrière, de cachets plus ou moins déclarés et autres performances hallucinées. Enfant de la DDASS originaire de Champagne-Ardennes, il découvre le punk en 1983. Il quitte l'école à 16 ans pour rentrer au conservatoire de chant classique à Reims. "Pour payer ma scolarité, j'ai dû sucer la bite de mon professeur" confie-t-il complètement hilare. La proximité avec la Belgique et la Hollande lui permet de découvrir la musique électronique. En sifflant son demi, il entonne Pump Up The Volume. "Dès 1989, j'ai su que l'électro, une autre conception du beat basée sur l'organe du coeur, pouvait être mélangée à d'autres styles musicaux". Il monte derechef son groupe HMMN qui prône la fusion jazz, percussion, guitare et scratch. Au début des années 90, il prend la route et vit de squats en squats. En 1992, après une parenthèse avignonnaise, il débarque à Lyon. "Au bout de six mois, j'ai eu peur, je me suis barré. Imagine. Les gens, ici, portaient encore des docks martins et écoutaient du rock. Rue Leynaud, on se faisait carotte pour des barrettes de shit". Il voyage, découvre l'électro spirale à Montpellier, l'acid core à Toulouse et les free parties à Paris. Sept ans plus tard, il revient à Lyon et découvre une ville ouverte. "Les premières nuits sonores se sont organisées, j'ai décidé de monter une contre-soirée au Modern Art Café : l'ennui sonore". Et il se régale, prend gentiment la grosse tête et enchaîne les dates : palais de Justice, biennale d'art contemporain, de la danse, Ninkasi Kao, la Tour Rose, les catacombes... Même si Lyon s'ouvre, il ne peut pas s'empêcher de dire qu'elle reste secrète : "La musique, c'est comme les clubs échangistes. Le mieux c'est de ne pas savoir avec qui tu couches". Un brin amer, il constate aujourd'hui que "tout le monde se plante, toutes les productions indépendantes se plantent. Parce que les gens ne sortent pas. Un lundi à Lyon, il ne se passe rien. Les artistes soutiennent les lieux qui survivent, et pas l'inverse. On crève la dalle. Je sors mon dernier album en coproduction et puis rideau". Antoine Allègre