Joyeux dépressif

Jeudi 12 février 2009

Portrait / Là où certains auteurs arrivent à développer une narration en à peine plus de deux cases, l'Américain Chris Ware, lui, distille ses histoires pathétiques sur une grosse soixantaine de vignettes. Même si certaines d'entre elles s'avèrent parfois inutiles et réellement pinailleuses. À 41 ans, Chris Ware, natif d'Ohama (Nebraska) se fait connaître dans les années 90 par son travail dans la presse de Chicago. Ce scénariste-dessinateur-encreur-coloriste-calligraphe est un personnage secret, ambigu et notoirement dépressif qui avoue penser au suicide "tous les quinze jours, ça fait partie de mon boulot". Au-delà de cette mythologie, reste un artiste profondément singulier, auteur de l'excellente série The Acme Novelty Library, qui a eu une conception graphique assez révolutionnaire et qui opère sur ses pages un découpage chirurgical en éclatant structure dogmatique et sens de la lecture. De quoi largement désarçonner un lecteur déjà happé par la noirceur clinique et la morbidité de ses romans graphiques axés autour des thèmes de la culpabilité, de la solitude et du consumérisme creux. Pierre angulaire de ce portrait pathétique de l'humanité, son anti-héros Jimmy Corrigan, incapable de grandir, onaniste patenté et spectateur de sa propre existence. Dans cette œuvre dense faite de bric et de broc, Ware joue la carte de la surenchère tant graphique que verbale. Les 70 œuvres exposés au musée d'art contemporain sont un best-of d'une carrière prolifique parfaitement sidérante. De quoi se faire une bonne idée sur le caractère un peu frappé de Chris Ware. AA