Premier Jay

Vendredi 20 février 2009

Musique / Jeremy Jay semble sorti de nulle part, proposant en deux albums une pop rétro dont les héros sont identifiables, mais la formule magique tenue secrète. À découvrir impérativement à la Marquise cette semaine.Christophe Chabert

Photo : © Larissa James

La sortie l'année dernière de A place where we could go, premier album de Jeremy Jay, a été une formidable nouvelle, même si à peu près tout le monde s'en est foutu. Moins d'un an plus tard, l'ami Jeremy revient auréolé d'un petit culte avec l'envie de manger les jarrets de la pop music : un nouveau disque plus tapageur et une tournée des clubs, ce qui ne manque pas de sel vu le côté désuet de sa musique. Disons-le tout de suite : Jeremy Jay est un grand escogriffe qui semble bloqué quelque part entre la fin des années 70 et le début des années 80, un songwriter qui n'aurait jamais enlevé de son tourne-disque les 33 tours de Jonathan Richman et des Go-Betweens, idoles manifestes de ce jeune homme sans attitude. De l'écho plein la voix comme s'il se croyait dans un music-hall désaffecté, il écrit donc des slows langoureux d'avant l'invention du SMS, des chansons romantiques de l'époque où l'on flirtait des semaines plutôt que s'envoyer en l'air sauvagement dès le premier soir. Ce garçon est une anomalie, mais une anomalie salutaire qui, à rebours de toute mode vintage, n'en aurait gardé ni les fringues, ni les coupes de cheveux (enfin, il a quand même une fort longue mèche tombante et des jeans slim sur les photos !), mais plutôt un certain esprit. Le monde est ainsi fait qu'aujourd'hui, un gars d'à peine vingt berges peut être nostalgique d'une période où il n'était même pas né ! Magie d'internet, placenta dans lequel les jeunes rockers vont nager le crawl et en ressortent plus «culturés» que Michael Phelps...Tu danses, chéri ?
Sur A place where we could go, Jeremy Jay nous draguait avec des morceaux impeccablement écrits, interprétés avec guitare-basse-batterie, sans forfanterie ni virtuosité, dans le pur style de son producteur, l'immense Calvin Johnson. Mais pour Slow dance, Jeremy s'est acheté un synthétiseur dans une brocante, et entreprend avec une volonté de fer de nous le faire aimer. À la première écoute, on aurait plutôt envie de le lui faire bouffer, mais ce sorcier aux pouvoirs occultes arrive rapidement à transformer cette laideur sonore en élixir d'amour. L'ambition est donc de faire danser (doucement) ses fans, plutôt que de les laisser mariner dans la contemplation extatique de son talent. Louable intention en forme de défi, qu'il faudra donc relever cette semaine à la Marquise. D'ici là, trouvez-vous une cavalière, car danser sur du Jeremy Jay tout seul sur le dancefloor, c'est triste comme un film d'Elie Semoun sur les geeks !Jeremy Jay
À la Marquise, lundi 2 mars
«Slow dance» (K records/Differ-ant)